jeudi 1 novembre 2018

Lolita Complex

Lolita (ou Lita Grey) et Charlie Chaplin durant une scène de tournage du Kid


« Ma fille, déclare Nana à sa toute jeune enfant,
pleurant sous le fer à boucles d’or,
quand on est née, comme toi, du mauvais côté de Sunset Blvd,
il faut savoir donner le change.
Pleure tant que tu voudras maintenant,
tu me remercieras plus tard. »

Lolita a sept ans depuis quelques jours.
Il faisait beau pour son anniversaire,
il fait toujours beau à Hollywood.
      Le contribuable américain n’aime pas les films
tristes.
      Quand il paie sa place pour une séance,
il veut voir une nature radieuse ouvrant la perspective de l’écran,
seule façon pour lui d’accepter une semaine difficile.

      Il faut un toit sous la tête,
      une salle de bain dernier cri,
 une installation électrique baignant hommes et objets
dans la lumière des spots,
et Lolita, délicieuse, soufflant
ses bougies au milieu des stars,
au Kitty’s come on, le salon de thé
où Nana, sa maman, est serveuse.

(Lolita, au Kitty’s, est si touchante dans sa robe bleue,
lorsqu’on enlève les bougies sur le gâteau.
Tous les gens du cinéma veulent l’embrasser maintenant.)

Il faut une bouilloire pour le thé,
un perco pour le café
et un décor de pitchpin rose
pour des tables dressées
dans l’attente du client morose.
Et Lolita semble là ravie,
trônant au milieu de tous ces bons sentiments,
comme l’infante d’Espagne croquée de Velázquez.
Et, comme l’infante d’Espagne, Lolita pose
dans l’espoir du cinéaste fortuné qui lui fera jouer son premier rôle,
accompagnée par sa duègne de mère qui
     enseignera quoi dire et quelle
     révérence ou yeux de
     biche
posés à terre
comme escarpins de maroquin
rouge aux joues
accentuant l’ovale du visage
blancheur de la peau
incarnat bleuté rayonnant
pour le noir et blanc
triomphant à l’écran.

Il faut encore
des toilettes sur le palier
une chambre pour les parents
et une pièce refaite à neuf pour l’enfant
à naître, dans laquelle le menuisier
s’évertue déjà à monter le berceau.
Mais tout cela, hélas, a un coût,
raconte la nuque baissée de Nana,
sous les tasses et les théières vidées des clients.
Tout cela nécessite des soins, une
sollicitude de chaque instant,
non pas s’échiner ou s’étriller, mais filer doux
sous le fer à boucles
entre   les   tables    du   salon   de  thé      .

Puis, un jour fait comme les autres,
arrive Charlie Chaplin.
Non pas Charlot, mais Chaplin, le cinéaste apprécié du
public,
le génial clown triste et
clochard céleste déjà chanté des surréalistes en Europe.
Lorsque Nana remarque les yeux de Charlot posés sur Lolita,
son sang ne fait qu’un tour :
« Voilà le menuisier pour le berceau de ma fille ! », s’exclame-t-elle.

L’entretien d’embauche se déroule sans heurts,
l’instant est prodigieux :
comme les enfants connaissent les sourires à
donner,  figer,  lancer,  conserver,  faire disparaître  ou
  reprendre
comme une balle à la volée.
Les enfants sont si naturels,
que l’on prenne exemple sur eux.
Et les yeux de Lolita !
Regardez donc le petit pli
fronçant l’arcade,
lorsque Chaplin pointe
son index en direction de son nez.
Comment un tel froncement de sourcils ne peut-il pas faire chavirer les cœurs ?
Tel marque d’arrêt quasi imperceptible du visage.
Cet instant-là, comme un
retard, une pause,   voyez
   dans le regard,
comme   interdit    travaillé par tel index dressé
de Charlot vers l’infante,   élastique   tendu       détendu,
le pli de tout un ovale gracile
autour du nez-Lolita.
Brille brillant des yeux suivant pentes et
circonvolutions
du sol jusqu’à redevenir bien droite et stable
à quelques encablures de Charlot
aux anges
proposant à Nana   – l’index toujours dressé –     que
sa fille devienne figurante pour un ou deux films :
l’affaire est conclue fissa !

Et, bien sûr, la conviction établie de Chaplin du talent
de l’enfant s’est faite entre deux battements de cœur.
La torsion-rétorsion du cerne de Lolita
simulant ponctuant le poids du doigt léger
levé sur elle de Charlot.
Et toute vie, depuis les temps modernes,
joue son pli devant l’index
levé de Charlot pour Lolita, voyez-vous.

C’est ce qu’avait bien compris Nana
en bouclant chaque semaine mèche
par mèche sa fille :
tout suit cette pente univoque,
tout jusqu’au poète dressant ses tables
et filant doux de l’une à l’autre,
sa petite infante gracile,
formée à bien froncer les paupières,
au moment voulu.

Et c’est évidemment là,
                                           le cusp,
à la seconde où Lolita ignore encore
si elle doit mordre l’index levé sur elle de Chaplin
ou fuir le petit homme à moustache,
que tout se joue.  
     L’instant est merveilleux pour qui sait le croquer.

Il faut un jardin et un garage
du gaz de ville sous l’évier
une chaudière et un comparateur à hystérésis
pour que le chauffage ne s’emballe
entre marche et arrêt impromptus.
Il faut un garage pour la voiture
un grenier ou une réserve
pour les derniers cartons
dont les mots sur les étiquettes
s’étiolent sous les poussières,
et des travaux de terrassement autour de la maison
ramenant au niveau du sol les
anciens crimes de Dieu,
ainsi qu’une pancarte « Attention aux marches ! »,
après la porte du jardin
Des murs bien droits, une maison claire et nette
et un bateau, au niveau du trottoir, pour que la voiture ne s’écharpe
pas, en sortant, dans le lit du caniveau,
et la gare à quelques lieues,
tous commerces et salons de coiffure pour dames difficiles
qui, étripant le charcutier ou leur médecin,
refaisant le monde,
sous les coups de ciseaux d’une modeste coiffeuse,
parlent de la peine de mort sur le même ton que de la
dernière sortie au parc avec le petit-fils.

Et, bien sûr, au milieu d’un grand remous,
à l’angle de la Bréa et de Sunset Blvd,
le cortège incessant de tous les apprentis du monde
courant avant ou après leurs maîtres, l’un sortant une
échelle d’une camionnette, l’autre déjà sur un toit à
poser des tuiles ou à tirer sur la corde.
Chacun de ces garçons en apprentissage a été au moins une fois
en entretien, les paupières froncées devant l’index dressé du maître.
Chacun, maintenant, debout,
assis ou couché, montant, descendant,
grimpant, dévalant les pentes abruptes de Hollywood,
pour que les travailleurs du monde civilisé entier intégral
ressortent heureux et satisfaits des cinémas, le week-end.

Lolita grandit maintenant,
elle apprend son métier sur le tas.
Ses paroles de craie s’étalent sur des ardoises,
punctum du film projeté de la chambre noire
au son des pianos jouant l’esprit mutin, espiègle ou l’innocence.
Elle est figurante dans The Kid et Charlot et le masque de fer,
enfant tendue entre le ciel et la terre sous les franges-photo du montage des films
veillant aux naufrages élastiques
des mots tremblants sur les tableaux noirs,
commentant les phrases de Charlot.
– Tel est le sévère parcours scolaire de sa nouvelle forme.

Grâce au salaire de sa fille,
Nana peut maintenant quitter son emploi de serveuse,
devenant ainsi et mère et duègne et comptable à temps-plein,
endossant son nouveau rôle à la perfection,
nidifiant l’atmosphère
autour du maître Chaplin avec
l’appât de sa fille qui lui
rapporte l’argent des courses.
Voyez les fils de ver à soie de Nana,
émergeant de sous sa robe, et sa fille Lolita,
dextre, les dénouant tirant la laisse, apportant
son présent au démiurge du septième art, toujours
ému par la candeur des enfants.

L’histoire suit lors, naturellement, son cours.
Comme un froncement de sourcils
bascule les vies de femmes et d’hommes,
alors même que,
en équilibre instable,
avant pli ou césure,
précaire hautement improbable
le garçon n’est pas encore apprenti
la fille pas encore actrice
le temps suspendu
ni figurant ni étudiant ni stagiaire
la rue immobile
où toutes les voies sont possibles
même de traverse
le maçon n’a pas posé la première pierre
le serrurier pas fermé le verrou
le plombier a arrêté son geste au-dessus du vide
la flamme de son chalumeau
irradiant l’espace obscur
illuminant les regards de ses compagnons
toutes les issues semblent ouvertes
toutes aussi impensables
les unes que les autres
suspendus aux grues les ciels
Lolita est une actrice
Lolita n’est pas une actrice
chaque homme joue ne joue pas
retient son souffle
Harlod Lloyd tient bon à l’horloge
dans Safety Last !
le temps s’arrête-t-il
l’éclairagiste rattrape sa flamme
au-dessus de la mèche

Lolita est et n’est pas cinégique
joue ou ne joue pas la fille du saloon
dans La Ruée vers l’or de Chaplin ;
Lolita boude aussi un peu
– qui ne peut prendre parti doit se taire –
Sous les caméras, elle tombe alors évanouie,
dans le décor du saloon.
.
« Elle est enceinte ! », hurle aussitôt
sa mère, puis, à propos, alors même que
Chaplin s’élance pour sauver la malheureuse,
murmure :
« Il faut maintenant vous marier...
que dirait la justice si elle connaissait l’âge de ma fille ? »
– Et Chaplin, sous la menace, de s’exécuter.



*


Où peut-on voir les rushes de cette scène,
où Lolita tombe évanouie dans un saloon ?
Y a-t-il un film ayant enregistré
le visage de l’infante à cet instant ?
Comme il doit être remarquable,
ce retard pris entre Lolita jouant la serveuse
et celui où le malaise la prend.
Quelle morale pourrait-on alors tirer
en contemplant un tel visage ?
– Vous me l’écrirez ?


mercredi 24 octobre 2018

Et lorsque j'étais étudiant

Université de Dijon. Bâtiment Sciences.



Et lorsque j’étais étudiant, bachotant mes Lettres à l’Université de Dijon, une faculté bâtie dans les années 60, après l’essor démographique, à partir des plans d’un palais allemand du IIIème Reich, mais qui n’avait jamais servi jusque-là : escalier central évoquant pour moi la Machine à écrire de Mussolini, statues et bas-reliefs allégoriques représentant le travail, la justice ou la science, airs froids et lugubres de Nanterre ou Jussieu, des aménagements ayant été effectués depuis lors pour accueillir des handicapés, ma chambre d’étudiant étant à un kilomètre de là. Comment croire alors que le nazisme avait été éradiqué depuis un demi-siècle tandis qu’on étudiait dans un édifice ayant été initialement conçu pour Hitler, dites-le moi ?

Les marchés financiers brésiliens sont optimistes, la presse de Sao Paulo dit même qu’ils sont euphoriques. Nous sommes à 4 jours du scrutin présidentiel le plus incertain de ces dernières décennies dans cet immense pays de 8 millions de km2, 1ère économie d’Amérique Latine. Et d’habitude, les milieux économiques détestent l’incertitude. Mais là, c’est très simple : ils ont choisi leur camp. Ils espèrent la victoire de l’extrême droite.

    Chambre de 30 m², refaite à neuf et payée par ma famille dans l’espoir d’un travail utile et rétribué par l’Education Nationale, moi, cherchant à soulager ma crampe, mais petit, farouche et, en un certain sens, constipé, dépressif et sentant l’implosion, ayant besoin de changer d’air à la montagne, de tout quitter pour les étendues vertes et paisibles des pâturages, berger, et cela pendant un an, le temps de reprendre mes esprits, de me recomposer figure humaine, l’Astrée ou Derborence, qu’importe, mais fuir de là !

   Une condition des plus sensées, pour tout dire, au sortir de l’adolescence, et que le plus sinistre des imbéciles aurait pu me promulguer, tant le diagnostic plastronnait en évidence sur ma face. Reprendre souffle seulement : aller et retour au sein des montagnes pour garder des moutons, alors que j’en étais venu, quelques mois plus tôt, à m’imaginer vivre de charité ou de rapines sur les routes - Rêve on ne peut plus romantique, somme toute : mon double nomade devait faire pénitence à chaque crime qu’il commettrait pour vivre et chercher sa Jérusalem céleste, comme le chevalier Foulque le Noir en partance au tombeau du Christ.



    Le noyau familial bourgeois…
     est devenu aujourd’hui le meilleur moyen de ne pas se rencontrer
     et, par conséquent, la négation même du deuil, de la mort, de la naissance et de  
     l’expérience qui précède la naissance et la conception.

                                                  (Mort de la famille, David Cooper)



    Tout, j’ai usé de tous les arguments possibles pour ne pas faire partie de la classe moyenne, de sa tiédeur et de la mortelle reproduction de ses mœurs. Je me suis contenu, frappé du poing sur la table au moment adéquat, disputé avec mes aînés pour ne pas en être et cherché un compromis en employant les figures de leur rhétorique. Mes pairs, pour tout dire, ont cru faire acte de compréhension en me proposant de me payer le psy, le fait de partir à la montagne, qui avait été, jadis, un moyen de soigner les humeurs des jeunes gens, n’étant plus, selon eux, qu’un biais pour me payer des vacances. Je me suis donc vengé en devenant écrivain, et j’ai écrit, pour tout dire, assez peu, l’essentiel n’étant pas pour moi de sublimer ou de résister, mais un suicide moral assez long, une incubation de chaque instant, la lente macération du Souterrain pour quelque chose d’aussi peu utile qu’un livre ou le Livre. Maintenant que je suis capable d’en faire un, je crois bien devoir rentrer en moi quelques années de plus et avancer les mots sans me soucier d’être lu, en somme avancer sur le pont sans me soucier du vide : j’écris pour mon tiroir.

    Et, tout cela pour une raison aussi peu valable que le fait de ne pas avoir été à la montagne ! Nos actes les plus importants proviennent souvent des raisons les plus obscures.


   Il faut croire, Monsieur, que je fais bien un peu demeuré, moi, tout seul dans un coin de mon appartement, ayant si peu de choses à perdre dans cette vie que même mon banquier oublie de me rappeler à l’ordre...





*










    Les raisons invoquées d’écrire n’étant pas fausses en soi, mais dépourvues de sens, comme toute intention ou acte, bon ou mauvais, aucune raison d’écrire n’est logique, au sens où l’entendait Wittgenstein.
     J’écris pour de mauvaises raisons, mais j’écris ou je n’écris pas.

Du vouloir comme porteur de l’éthique on ne peut rien dire.
Et le vouloir comme phénomène n’intéresse que la psychologie.

      Paradoxalement, mal écrire ne signifie plus à notre époque écrire injustement contre quelqu’un ou contre un ordre, quel qu’il soit, mal écrire signifie écrire sans travail, sans correction ou sans style. Ou bien écrire le mal ou écrire en étant le mal, masque de Sénoufo à l’esprit changeant, hors de tout rite imposé par un dogme. Dans le deuxième cas, la psyché de l’auteur se porte en un espace purement mental, où ses actes comptent de part les lois qu’il invente, respecte et bafoue, et écrire mal devient progressivement, à force de travail sur sa planche, écrire bien. 

0- Je n’écris pas.
1- J’écris.
1- J’écris  bien - a-.
                 mal - b-. (« mal », ici, comme étant incorrect, maladroit, amphigourique, allusif  ou  sans style.)

     Puisque, dans les travaux littéraires joue la valeur ajoutée du travail (comme l’a montré Marx), 1 - b-, à mesure que l’on écrit, est plus difficile à tenir que 1 - a-. L’esprit travaille malgré tout et peut finalement produire à vide son sacrifice de mots, comme l’a montré G. Bataille.

      Quel moyen autre que poétique reste-t-il alors à l’écrivain qui veut mal faire, par haine de la société ? Quelle équation pourrait être formulée à partir des données suivantes :
-          Je n’écris pas : 0.
-          J’écris : 1
- 1 : J’écris a- bien, b- mal, 1 - b- devant demeurer 1 - b-, malgré la variable « travail ajouté » ?


Encore. Dis encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore.

Dire pour soit dit. Mal dit. Dire désormais pour soi mal dit.

                                                                                               Cap au pire, Beckett.



 Là encore, le travail de la langue se ressent, même si Beckett est allé de 1- a- à 0 à la fin de sa vie, la pensée joue son tour : 1 b devient 1 a.


 Peut-on désajuster la variable ‘Travail littéraire’ ?


 Une proposition p = désajustement du travail littéraire.
 Par exemple, p serait vraie ‘toutes les fois que je ne me relis pas’.

  Relecture comme reprise, puis maîtrise du travail littéraire. La question n’est plus en l’occurrence, Comment ne pas se corriger ?, mais, Comment ne pas se reprendre ? Comment laisser aller l’écriture à vau-l’eau ? Sans retenue ? Pas même l’inconscient derrière tout cela. Aucun rythme, aucune pulsation, rien, 0.

         p serait vraie ‘toutes les fois que l’écriture n’est tenue par aucune logique, aucun rythme, aucune image, pas même d’angoisse. Rien, 0.

        Ce serait encore tenter de formuler l’impensable.
        En transformant la pensée en travail, l’écrivain a trouvé une matière impossible à tuer, fournissant un produit qu’il ne peut corroder.

        La pensée vit nuit et jour et poursuit sa tapisserie malgré Pénélope… À moins de ruser avec elle.





*







   




                                                                                                              … Des feuillets propres, sans tache, avec la langue qui trottine son bonhomme de chemin, comme une limace.                        - Regardez-la, cette luciole ! Qu’ils diront, mes lecteurs, après remise des feuillets,
(Car je suis une luciole)
                                                                                                          … comme elle brille ! Encore une sauvée des eaux in extremis, nouveau Moïse de l’atomisation sociale, électron libre chantant sa Rosa Mystica dans la nuit. - Comme il a bien macéré, le lapin !
(Je suis naturellement un lapin, maintenant)
                                                                                                          Quelques feuilles de laurier avant de le cuire et service sur table !

    Et tu joueras le grand jeu dans leur assiette, oui, Guyotat, Noël ou Laborde, Nouveau Curé de la Paroisse Culture, en route pour Prébende.





 *








     Tes humeurs malignes sublimées dans le creuset du beau langage, plus seul, plus solipsiste pour un sou, non, mais réduit à communiquer souverainement ton verbe à qui veut l’entendre.






*




     Sur une pierre de marbre, le Seigneur passant par là dit : Apolline, que fais-tu là ? – Je suis ici pour mon chef, pour mon sang et pour mon mal de dents. – Apolline, retourne-toi. Si c’est une goutte de sang, elle tombera, si c’est un ver il mourra.



     Depuis qu’on est tous à feu et à pot, communauté taisible et génération fauchée, il fallait bien qu’un ou deux jeteurs de sorts sortent en librairie. De plus en plus d’écrivains et de moins en moins de lecteurs ! Comment cela se fait-il ? Et tous, grands écrivains qu’ils sont, passant à la moulinette du flux tendu pour leur quart d’heure de célébrité.

   
     « Sorcier bigoutte, quand j’te vois j’te doutte. »

  

QU’ILS GARDENT LEUR DÉCHARGE MENTALE POUR EUX ET QU’ILS AILLENT TOUS AU DIABLE !



Au fond, l’ennuyeux, ce n’est pas qu’il y ait de plus en plus d’écrivains, filant la laisse et essuyant les plâtres, l’ennuyeux, c’est qu’ils avouent en être et qu’ils voient ça comme une situation. Il n’y a plus de silence, plus de secrets établis entre eux. Ils vivent au milieu des hommes avec la vague croyance d’une transparence établie au cours de leur pérégrination sur table, une macération du stylo rendant sa prière égrainée des heures durant, en pleine solitude. Mais, quand ils s’en sortent et qu’ils profèrent leur Hocus Pocus en public, on applaudit un tabou dévoilé/dévoyé depuis l’An Quarante et qui n’a même plus de teneur hermétique ou poétique. Ils sentent bien quelque fois que la véritable fin du travail littéraire est la libération d’un esprit, et ils sentent aussi qu’il faut davantage qu’un brûlot pour ce faire, mais ils croient que cette libération ne peut être que poétique et ils enferment leurs chimères dans des feuillets, plutôt que de se laisser posséder par elles. – Manque d’adorcisme.


Dommage...

Encore un effort, poètes, pour être un autre.