vendredi 1 novembre 2013

La main du diable

À Arnaud Labelle-Rojoux

                                                                                                                            

 

 

Pessoa, seul, faisant œuvre, au début de la pièce :

le poète portugais rentre dans sa malle à manuscrit, à sa mort,

pour devenir un Grand Homme

̶  monastère Jerónimos, Lisbonne, aux côtés de Camoes   --

des boules faites au dîner avec de la mie de pain : rituel.

 

 

« L’homme est protéiforme, déclarait Pessoa,

mais ses hétéronymes doivent rester sur le papier,

son corps, tête et épaules rentrées, nichant son Grand Œuvre,

avalé par la bouche d’un four alchimiste : livre muet ;

que rien ne vienne déranger le sommeil des vivants,

rien, sinon, tout au plus,    un texte. »

 

Puis entre en scène le poète Genesis P. Orridge

qui éclate de rire :

« Je est un autre, toujours, déclare Genesis,

mais l’alchimie du verbe ne se suffit pas d'un texte,

elle doit transformer nos vies. »

Musique industrielle et guerres médiatiques

au service d'avatars multiples,

métamorphoses multiples,

sexes & vits ou vies multiples,

régression de la sexualité

à une enfance du désir,

dispersion, anarchie des zones érogènes,

introjectant, rétrojectant

hommes, femmes & alter ;

ou le jeune Alcibiade donnant la main à Socrate 

à la bataille de Délium,

et, caméléon, passant d’une peau à l’autre,

d’Athènes à Sparte.

 

La main du diable, alors,

rapprochant son tesson de poterie

du tesson d’un contractant :

 

 

 

 

Pacte conclu !

 

   

À l’instant, des corps morcelés surgissent :

celui, ouvert et mutilé, du Dalhia noir, quémande, lascive,

un pénis, 

tandis que la tête décapitée d’Holopherne chante sa victoire sur les Hébreux.

 

Sortant d’une crypte, le fils de Georges Hodel s’écrie :

« Mon père est le meurtrier du Dahlia noir ! »

et Duchamp referme la porte sur Etant donné, sa dernière oeuvre :

« Dossier bouclé ! »

 

-- Puis, la Fin des fins des Temps ! 

Hommes objets & femmes objets

dans les nues,

sexes & corps glorieux

nimbés d’une lumière dantesque 

nichant dans une case au septième ciel

autour de Yahvé,

comme effeuileurs & effeuilleuses

sur Freecam 

pour un prisonnier et un demeuré :

 

̶  De fino ultimo !

-- Trompettes !

 


Rideau !



A propos de l'installation La main du diable d'Arnaud Labelle-Rojoux, en ce moment au Centre Georges Pompidou, dans le cadre de l'exposition Le surréalisme et l'objet.