vendredi 30 septembre 2011

Économie de la poésie contemporaine, Une mise au . sur la sit.

François Bon, DR


Le titre de cet article fera probablement sourire, et c’est tant mieux. On a trop souvent considéré que la poésie était un geste gratuit, quelque chose qui échappait à la sphère marchande. Les auteurs de poèmes seraient exclusivement autotéliques, ils ne chercheraient de récompense que dans et par l’écriture. Si tel est le cas, il faudrait étudier l’économie de la poésie contemporaine comme l’anthropologue Alain Testart analyse la circulation non marchande, et il s’agirait encore, selon moi, d’économie.

Généralement, en poésie contemporaine, on peut lire des textes, des revues, des livres, des blogs, des essais ou des thèses. Les thèses et les essais sur celle-ci ont un intérêt évident, mais la démarche de leurs auteurs est généralement celle de l’étude poétique. Rimbaud se moquait déjà d’une telle attitude dans Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs. Rien n’est dit du terrain sur lequel les fleurs sont cueillies, et pour cause : si les fleurs rhétoriques sont belles, et elles le sont à mon sens, et même de plus en plus actuellement, leur terrain est résolument pourri, comme on peut s’en douter. Nous allons donc essayer de parler ici, très sommairement, d’économie culturelle de la poésie contemporaine française, sans parler de formes ni de courants poétiques. Une mise au point sur la situation avant et après texte poétique me semble aujourd’hui s’imposer.

Le nombre de poètes contemporains, en France : il y en a de plus en plus. Les petites comme les grandes maisons d’édition publient de plus en plus de jeunes auteur(e)s, à discrétion, naturellement : jusqu’à 1000 livres publiés, pour les plus chanceux. La plupart demeurent pourtant dans les cartons des libraires. La poésie ne se vend pas et il faut généralement être mort et enterré pour avoir une « chance » d’être payé en retour. Sur le site Le paysage de la poésie contemporaine de Sébastien Dubois, qui a écrit une thèse sur le sujet, on peut lire cette conclusion à un article intitulé justement « Économie de la poésie contemporaine »:

« On peut résumer toutes les statistiques présentées en deux points… Le premier, c’est que la production poétique échappe pour partie au marché du livre ; le second, que la poésie affiche un dynamisme certain, la production ne diminuant pas, même si la diffusion fait problème pour nombre d’ouvrages… On aboutit à un paradoxe entre marginalité et vitalité, qu’il faut évidemment explorer. Une hypothèse semble s’imposer : pour toute une part de son activité économique, la poésie contemporaine passe par des circuits relativement indépendants : elle aurait organisé face à un environnement dans son ensemble défavorable des structures économiques originales. »

Il y aurait donc un réseau, mais lequel ? Celui des petites maisons d’édition, des festivals, des galeristes, des revues, des centres culturels qui proposent des lectures ou en éditent, des bibliothèques et des institutions qui offrent des résidences, des bourses ou des ateliers d’écriture.

À propos du rôle de l’écrivain dans la société, Marx écrivait : « L’écrivain doit naturellement gagner de l’argent pour pouvoir vivre et écrire, mais il ne doit en aucun cas vivre et écrire pour gagner de l’argent… L’écrivain ne considère aucunement ses travaux comme un moyen. Ils sont des buts en soi, ils sont si peu un moyen pour lui-même et pour les autres qu’il sacrifie au besoin son existence à leur existence. »

Pour conserver son indépendance, l’écrivain, selon Marx, devait trouver à subsister par d’autres biais que l’écriture. Pourquoi ? Parce que, justement, pour qu’un auteur ait la possibilité de tout dire ou d’en dire trop, il ne lui faut dépendre d’aucun maître, ni d’un journal, ni d’un Etat ni d’un public ou de la société du spectacle.

Il se trouve que, durant la révolution russe, Lounatcharski, alors expert en questions d’éducation et de culture pour le parti bolchevique, avait proposé que les écrivains perçoivent un salaire pour leurs textes. On sait maintenant ce que la rétribution d’un auteur a pu donner sous Staline avec le jdanovisme. L’on sait peut-être moins les difficultés qu’ont eu Victor Serge et Gide à parler en France des procès de Moscou en 1936. Mais, si nous n’en sommes plus là aujourd’hui, semble-t-il, depuis la chute du mur de Berlin, l’auteur doit pourtant conserver, malgré tout, son indépendance pour écrire. Ce qui ne veut absolument pas dire qu’il n’a pas à être rétribué pour ses textes : il y a, en France, un droit d’auteur : tout travail mérite salaire.

Normalement, quand un poète trouve un éditeur, il doit signer un contrat d’édition ; ce qui n’est pas toujours le cas, actuellement. À ce sujet, l’association Cose-Calcre a repris le travail du CALCRE dans le domaine du conseil et de la protection des auteurs[1]. Le droit d’auteur en poésie est de 3 à 5 % des ventes annuelles pour un petit éditeur et de 8 % pour un grand éditeur comme Gallimard, ce qui ne permet pas de vivre, même par expédient, de sa plume. Pourtant, même sur Internet, le droit d’auteur a à être respecté et il peut l’être de différentes façons, grâce aux creative commons qui sont des contrats flexibles de droit d’auteur. En outre, la seule revue, en France, qui rémunère les poètes est la revue Po&sie du poète Michel Deguy, qui existe depuis 1977.

Par contre, la situation est totalement différente aux Etats-Unis, puisque les poètes américains sont, la plupart du temps, rétribués quand on les publie. On pourrait affirmer ici que la situation économique de la poésie aux Etats-Unis est différente de la situation française, puisque le réseau universitaire est plus étendu et plus puissant que le réseau français. Il y a aussi un mécénat aux Etats-Unis pour la poésie, tandis que le mécénat culturel est quasi inexistant en France. Certains poètes américains donnent aussi des cours à l’université dans les creative studies ; ainsi de David Antin et de Raymond Federman qui est mort l’année dernière. La notion de travail est aussi différente aux Etats-Unis : souvent, pour un Américain, tout travail mérite salaire, en France, non… Par contre, malgré des différences notables, la représentation du domaine poétique entre nos deux pays est la même : il s’agit, dans les deux cas, d’un ghetto.

Étudiant l’affaire Lilly, une riche mécène qui a défrayé la chronique en 2002 en faisant un don, oscillant entre 100 et 150 millions de dollars, à la très célèbre revue Poetry, Sébastien Dubois, que j’ai déjà cité, montre, dans un article intitulé « L’affaire Lilly : regards sur la poésie américaine », des similitudes entre le domaine poétique américain et le français, malgré des écarts économiques et culturels certains entre nos deux pays. En témoigne, selon lui, la réaction de la poétesse Alice Fulton devant, disons, le potlatch commis par Lilly, ou Lilith, pour Poetry :

« J’ai eu presque peur quand j’en ai entendu parler, déclare, à ce sujet, miss Fulton. J’en étais venue à penser que la marginalisation laissait la poésie faire ce qu’elle veut, que l’argent prendrait quelque chose qui est bon pour en faire quelque chose de mal. »

En résumé, les réactions des poètes américains sont souvent les mêmes que celle de miss Fulton et correspondent à ceux des journalistes qui ont couvert l’événement Lilly : le potlatch est scandaleux. En écho, j’interpole ici une affirmation pour le moins péremptoire du poète Christian Prigent en conclusion de son essai À quoi bon encore des poètes ?, paru chez P.O.L. en 1996 :

« Dans les obscurités, la difficulté, la cruauté de la poésie (dans ses pointages du Mal et dans sa résistance a priori du Sens) devraient pouvoir s’énoncer allégoriquement quelques motifs du choix démocratique : plutôt le malaise désillusionné de la démocratie que la sanglante illusion des grands projets radieux tels qu’autour de nous ils s’apprêtent, inéluctablement, à se reconstituer. »

Donc, pour Prigent, pas de grande messe de la poésie comme pour Aragon à la fête de l’Huma, ni même de potlatch : la poésie doit se contenter d’être à la marge, bon an mal an, elle doit cultiver son goût du ghetto. Pourtant, comment émanciper les mots, les rendre libres, s’il n’y a que des initiés pour les entendre ? La pratique de la poésie n’est-elle pas devenue aujourd’hui ce que Michel de Certeaux appelait une mystique du quotidien ** ? On en arrive actuellement à ce paradoxe, qui n’est pas neuf, mais qui est devenu insupportable, que Debord a analysé pour notre société sous le nom de spectaculaire intégré et que le poète Bernard Noël appelle la Sensure : le bruit des médias est tel qu’il fait office de censure sans que l’Etat n’ait plus à intervenir. La poésie est aujourd’hui mise sous chapelle. Les poètes sont dans une prison dorée aussi sale, déprimante et misérable que ne l’était Versailles pour les nobles et leurs domestiques. Et la seule façon que les auteurs ont de trouver leur indépendance et d’être entendus actuellement, c’est d’organiser la propre défense de leurs droits à la parole contre la Sensure en créant de nouvelles sociétés des gens de lettres proches de celle fondée en 1838 par Louis Desnoyers, le directeur du journal Le siècle. Ces nouvelles sociétés utiliseraient les moyens d’édition, de diffusion, de protection des droits et de rémunération des auteurs qu’Internet permet actuellement. C’est ce que fait l’écrivain François Bon avec sa maison d’éditions en ligne Publie.net, et c’est ce qu’il faudrait monter ailleurs pour d’autres écritures, avant que les chapelles ou l’indifférence ne recouvrent tout.



[1] Voir url http://www.cosecalcre.com/2nd%20site/Historique-de-lassociation.html

** La pratique de la poésie, dans nos sociétés, n'est pas en rupture avec la société du spectacle, mais généralement en réaction contre elle, donc elle est peu ou prou réactionnaire. J'intercale ici une réponse de l'écrivain et photographe Claude Cahun à la question "Pour qui écrivez-vous ?", afin de me faire comprendre :

"Ecrire pour tous ceux qui savent lire, dans une société qui n'est pas la société sans classe, cela revient à écrire seulement pour ceux qui ont un certain loisir et qui peuvent payer seulement, si peu que ce soit, livres, journaux, revues... Marx et Lénine eux-mêmes en furent réduits là. J'ajoute que cette réponse (et par la suite la question qui la provoque) continuerait à me paraître insuffisante pendant la dictature du prolétariat. Même après. En tout temps. C'est contre tous ceux qui savent lire qu'il faut écrire, car j'estime qu'un progrès n'est jamais obtenu que par opposition. Aux lecteurs de tirer profit de ce que l'écrivain a pensé contre leur passé, contre le sien propre. C'est assez dire que j'écris, que je souhaite écrire avant tout contre moi."

Claude Cahun, "Pour qui écrivez-vous ?", Commune n°4, 1933


Ce texte, paru en 1933, est toujours valable aujourd'hui.


Un écrivain écrit contre l'ordre en lui, avant même d'écrire contre l'ordre social. Il n'oublie pas que la langue lui a été inculquée par ses parents et que les premiers livres que les enfants reçoivent, les livres d'enfant ont été choisis par les parents. Que la culture et le livre se soient démocratisés entre temps ne change rien à l'affaire. L'on écrit non seulement contre un genre en nous, masculin ou féminin, mais aussi contre notre espèce même (la quête d'un genre neutre, certes, comme Claude Cahun, mais aussi et surtout d'une espèce neutre... la démarche est ontologique avant même d'être littéraire ou poétique.). Il ne s'agit donc pas seulement, d'une langue mineure cherchant à s’échapper d'une langue majeure et d'une pensée ou d'un plan dominant, comme le pensait Deleuze et Guattari, dans Mille-plateaux ou dans leurs textes sur Kafka. Le poète écrit encore non seulement contre la culture dominante mais aussi contre ses marges (culture populaire ou underground, lumpenlitteratur, samizdat, etc.), et cette attitude est éthique avant même d'être artistique. En publiant en 1930 Aveux non avenus, par exemple, Claude Cahun se battait déjà contre Breton. Il ne s'agit donc pas seulement d'un détournement des codes sémiotiques de la langue dominante.

************************

Texte, de ma main, paru dans le n° 2 du bulletin "Toute licence en art" en août 2011.

Toute licence en art est un bulletin d'information dédiée à la défense de l'art et des artistes et dirigée par la comédienne Emmanuelle Stochl.

Le titre "Toute licence en art" clôt le manifeste de la FIARI - Fédération Internationale pour un Art Révolutionnaire Indépendant - "Pour un art révolutionnaire indépendant". Ecrit par Breton et Trotsky en 1938, ce manifeste s'élève contre "la violation de plus en plus générale" du "respect des lois spécifiques auxquelles est astreinte la création intellectuelle".

En édito du n° 2 de Toute licence en art, on peut lire :

"Face aux menaces qui pèsent sur leur avenir et l'avenir de la création artistique, des artistes de profession ou encore en formation, membres du Parti Ouvrier Indépendant (POI), rejoints depuis par d'autres, ont décidé de publier cette tribune. Ils sont comédiens, danseurs, musiciens, artistes plasticiens, écrivains. En décidant de l'intituler "Toute licence en art", ils la placent dans une claire continuité historique."

(Le comité de rédaction)

Contact, commande :

toutelicenceenart@gmail.com

mardi 27 septembre 2011

raclant le ciment dans la cuve, se curant le nez, se laissant démanger les yeux les oreilles par l'acide
- manque, sans doute, d'un délégué syndical sur le chantier, ou d'un inspecteur du travail
- puis le soir, les yeux les oreilles l'acide jouant en sa défaveur
et tapant ses tempes - punaise ou point fiché dans son crâne -
dévorant. ses. enfants. comme. Chronos.
et. se. dévorant. lui-même.
dévoran. se. enfant. comm. Chrono.
e. s. dévoran. lui-mêm.
dévora. s. enfan. com. Chron.
. . dévora. lui-mê.
dévor. . enfa. co. Chro.
. dévora. lui-m.
dévo. enf. c. Chr.
dévor. lui-.
dév. en. . Ch.
dévo. lui.
dé. e. C.
dév. lu.
d. . .
dé. l.
. .
d. .
.
. .

.

mardi 20 septembre 2011

Station 11, aux Radiophonies


Ma pièce radiophonique Station 11 sera en écoute, ce dimanche à 16 h 50, au dixième festival de pièces radiophoniques Les Radiophonies.
Ce festival, qui en est à sa dixième édition, aura lieu les 23, 24 et 25 septembre à Paris, à l'Auditorium de la galerie Colbert.

Voici l'adresse :

INHA (Institut National d'Histoire de l'Art )
6, Rue des Petits Champs Paris 2ème

Cette année, quinze pièces radiophoniques ont été sélectionnées, qui proviennent de Belgique, du Burkina-Faso, du Canada, de France et de Guadeloupe.

La dixième édition de ce festival sera présidée par les auteurs Noëlle Renaude et Eugène Duriff.

... Station 11 est programmée ce dimanche à 16 h 50.

Au plaisir de vous y voir !

dimanche 18 septembre 2011

Babelle

Adolfo Kaminsky


Un texte de moi, Babelle, est paru, ce mois-ci, dans la revue Action poétique dirigée par le poète Henri Deluy. Babelle, avec deux "l", puisque Babel, selon moi, était une femme, une tour-femme.

Dans la bible, l'on apprend que les Babyloniens voulurent égaler dieu en construisant une tour dont la cime rejoindrait le créateur. Yahvé, irrité par l'orgueil des Babyloniens, les punit en multipliant leur langue. Il n'y eut donc plus une seule langue, l'adamique, mais plusieurs. Pour moi, le fait que les hommes parlent plusieurs langues n'est pas une malédiction, mais, bien au contraire, une bénédiction. Changer de langue, c'est pouvoir changer de point de vue et de monde. Babelle, en ce sens, est un texte qui fait l'éloge de l'étranger et qui en revient à cette affirmation de Plutarque, que l'on trouve dans son Traité de l'exil et du bannissement, et chez les stoïciens : le monde n'a pas de frontières, nous sommes tous les citoyens du monde. Les nations ont été, depuis toujours, des vues de l'esprit, des leurres, des miroirs aux alouettes.

C'est le moment, pour moi, de parler du faussaire Adolfo Kaminsky, auquel ce texte est dédié. Adolfo Kaminsky a été un faussaire de faux papiers pendant plus de trente ans. Il a fait cela durant l'Occupation, parce qu'il était juif et pour sauver les Juifs des camps de concentration. Après la guerre, il a continué par conscience politique, pour la haganah en Israël et pour l'émancipation des peuples colonisés. En Algérie, il a réalisé des faux papiers pour le FLN et les militants qui ont suivi Messali Hadj, au Maghreb, en Afrique du Sud en Amérique latine ou pour Cohn-Bendit en 1968. Il a fait cela pendant plus de trente ans et avait pour principe de ne pas faire de bénéfices sur son activité de faussaire.

Sa fille, Sarah Kaminsky, a publié, il y a deux ans, une biographie de son père aux éditions Calmann-Lévy, Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire, un livre remarquable dont je vous recommande la lecture. Pour moi, Adolfo Kaminsky est un poète, c'est à dire un passeur de signes, un passeur de noms, un passeur d'hommes. Si vous le souhaitez, vous pouvez entendre ici une interview de Kaminsky au micro de Daniel Mermet, pour l'émission Là-bas si j'y suis.

Pour Babelle, cela donne ça...


*



À Adolfo Kaminsky


La Terre est à tous les hommes chacun d’entre eux pourrait y

vivre dignement & faire le tour des continents voir les métropoles :

Paris la vieille dame & la disciplinée Tokyo à l’urbanisme chaotique

lire le plan d’une ville qui changera demain, le relire les jours suivants &

se dire que * Monquartierchangeramillefoisdurantmavie *



J’ignore ce qu’il y a après la mort, j’ignore même si un mot comme


.L .A .M .O .R .T.

a un sens

ou si

D .I .E .U .Y . A .H .V .E .B .R .A .H .M . .

sont mes pères


Je me rappelle mes 18 ans (Je dis 18 ans, aujourd’hui, alors que j’en a i 35)

mon père a dit que je l’avais frappé (Je ne l’avais pas réellement frappé ;

il voulait aller jusqu’au bout de notre relation, il voulait : « Voilà

tout ce que je t’ai fait, et, maintenant, c’est à toi. »), et il a hurlé dans

son appartement : « IL-M’A-FR-A-P PÉ ! », tandis que ma main l’avait juste

frôlé.


La jeunesse dit, Jeveuxnousvoulons, elle est une prière à la vie,

et son désir est aussi beau que l’acceptation à tout ce qui est



٭

Nous sortons des ventres des mères

& nous goûtons au soleil.

Chaque jour, le soleil vient

& il sourit aux hommes.

Sans raison, il leur dit :

« Pourquoi es-tu ici ?

Pourquoi reviens-tu tous les jours dans la même maison ?

Pourquoi fais-tu partie d’un peuple , d’une famille ? Pourquoi as-tu une m ère ?


« Chaque h eure du jour ondoie son nimbe d e l u mièr e sur ta p eau. »


« La terre est à tout le monde,

chaque homme, chaque peuple,

a le droit d’y circuler librement

« C’est m oi, la mère de la terre,

c’est m oi qui l’ai fait ce qu’elle est

Crois-m oi : circule en son sein librement,

dévore-la sans remords .

« La terre est un pays de cocagne

Pourquoi devrais-tu faire la guerre ? Quelles raisons à vos frontières ?

Je suis le seul hôte que vous devez accueillir, je suis l’unique raison aux limites de vos

champs

& je ne vous ai jamais demandé l’hospitalité

& je ne vous la demanderai jamais


« C’est moi -tonpèreetamère-, si tu le souhaites, dis-toi que c’est m oi

Aime celui qui te fait du bien, durant ton enfance, dis-lui, Mon père ou ma mère,

si c’est ce qu’il veut entendre,

mais lui-même est issu des astres, et, en tant que tel,

n’a pas à revendiquer appartenir à une famille .


Chacun d’entre vous est lepèrelamèreoulenfant de qui il souhaite »


*


« Il n'y a pas d'étranger pour ce qu'il en est de l'homme,

poursuit maintenant le soleil

L’endroit où vous naissez est le fruit du hasard,

votre vie même est un réseau

de

-c

-ir-

-c-

-ons-

tances-

dont vous croyez reconnaître des signes et des vérités

dans ce que vos géniteurs vous ont transmis,

mais vos familles tout autant que les frontières de vos nations

sont les inventions des poètes

Chaque homme chaque peuple doit pouvoir circuler

librement & n’a pas à se faire reconnaître sur sa route

Vous n’avez pas à vous désigner par un

*-un nom*

de même que vous n’avez pas à demander

*-un nom*

à celui que vous rencontrez

Chacun d’entre vous est libre de

*-se nommer*

et de

*-nommer*

les êtres et les choses selon ses goûts

Il n’y a nulle signature au commencement ou à la

traversée de je ne sais quelle histoire

Par rapport au firmament, chaque grain des étoiles

dans la nuit renvoie votre image à votre gré .


L’orbe du monde est un

.

qui n’a nulle dimension

dans l’espace


Quelle vanité que de rechercher une mesure

aux êtres & aux choses,

au proche et au lointain ?


Vous ne vous appartenez pas plus que la terre ou le ciel ne vous appartiennent .


Les maisons que vous construisez sont autant des lieux de passage

pour vous que pour l’étranger qui vous demande l’hospitalité


Laissez-lui la clé de la maison, quand il arrive à votre porte,

demandez-lui l’asile le gîte et le couvert, dès qu’il passe le seuil

& quittez-le, le lendemain, après l’avoir embrassé sur la bouche

Reprenez sa route, reprenez la promenade

Devotreamidevotreamant,

là où il l’a laissée,

en remerciant le ciel de ses bontés .


Je suis moi-même issu de la maison du ciel

& je change avec lui chaque fois les liens qui nous unissent,

de sorte que, me regardant tournoyer

vos yeux glissent inlassablement

de m lui deoim

de moi à lui,

à lui,

du bleu profond de mon cerne

à l’éc lat bl a nc de sa pu pi lle,

tel le libre jeu des vagues sur la mer .


*


Vous naissez un jour, reprend le s oleiloulecielouvousmême,


& vous apprenez une langue & vous apprenez une histoire

que vous devez connaître


Non que cette langue & que cette histoire soient des attributs de ce que

vous êtes,


mais elles sont des outils, des moyens par lesquels vous pouvez accéder au bonheur .


D’autres voies du bonheur sont possibles,

d’autres sources de plaisir sont à trouver,

d’autres œuvres sont réalisables .


Faites en sorte de vous affranchir de votre langue & de votre histoire,

si vous en êtes captif,


car la vie n’est pas un travail, mais un jeu .


La seule connaissance que vous avez à vous transmettre est celle du jeu .

Les Chinois appellent cette connaissance le I Ching & les Grecs, le Kairos,


mais il y en a d’autres, il y a une infinité de jeux .


Vous n’avez pas d’autre rôle sur terre que de jouer, de vous appliquer au jeu & d’inventer de

nouvelles règles du jeu . »




*




« Regarde le ciel & la course des étoiles,


cherche leur mouvement


derrière la lumière qu’elles émettent,


la force qui détermine leur danse,


tel un doigt poussant une bille,


re garde


Cherche que lque chose

ou


ne cherche r ien,


mais re garde .


Applique-toi à contempler le monde,
ainsi que l’a fait Edgar Poe dans
sa cosmogonie Euréka .

Trouve l’origine & la fin des mondes, puis jette un cri :


« J’ai trouvé ! »


ou


« Je suis ouvert ! »


ou


« Ah ! »



Le cri que tu jetteras, sera dikhr,
mot, poème, mantra, chant d’oiseau

Cherche le cri du « J’ai trouvé ! »


Invente de nouveaux dikhr, de nouveaux mantras,
de nouveaux chants d’oiseau


Invente de nouvelles cosmogonies :
la course des étoiles changera avec toi-même

Crie : « Ah ! »,
la course des étoiles change avec toi-même

Les savants ne savent même pas aujourd’hui
si origine il y a,


les savants ne savent rien sur le début et la fin des mondes,


donc

joue »


٭

« « Ah ! »,

s’écrie Dante ou le soleil ou vous-même à la vue de Béatrice montée sur un griffon,

« Ah ! »,

dites-vous en regardant voler les étoiles,

« Ah ! »,

font les étoiles en vous regardant voler,

puis B, puis C

Elles écrivent maintenant & inventent pour vous de nouvelles cosmogonies,

de nouveaux dieux, de nouveaux temples ouverts aux vents

− Viendra un temps où les hommes apprendront aux étoiles à jouer . »

(Septembre 2010, avril 2011)



Action poétique,

39, rue Raspail,

94200 Ivry-sur-Seine

action-poétique@orange.fr