dimanche 12 décembre 2010

L'aube

Kouros de Thèbes

À Jean-Clarence Lambert



Regarde le sourire du Kouros

virgule posée horizontale sur la ligne d’horizon

de grands yeux blancs comme des soleils


Aurore

bruits de vie

rosée

des algues bleues dans la clairière


Nous recueillons la rosée

de sa bouche

soleil et lune dans le ciel

draps étendus blancs dans les prés


Nous recueillons la rosée

dans l’herbe des champs

inventons des jardins


Signes au milieu de Lignes

Temps étendue blanche

Temps étendue blanche

− Mère vient à l’horizon −

l’oraison des astres frappe nos tempes


Nous vivons dans un livre d’emblèmes,

un très vieux livre d’emblèmes aux pages jaunies par l’été


Mère vient à l’horizon,

Kouros vient


Sophie vient et nous porte à manger

le repas de deux chênes

leurs ramures emmêlées par l’amour


− Ouverture posée lèvres couleur sang le bonheur passe !


Les signes s’inventent au sol et s’échangent au ciel

Simples simples et clairs à la lune au soleil


Regarde le sourire de Bouddha

ou de l’archange Saint Michel

au portail de Notre-dame


Une mère, une vierge

une vierge-mère apparaît

et offre des mots à manger au poète

depuis la nuit des temps

Les mots sont des signes se levant droit

au printemps et traversent le mal

Les mots sont des signes jetés

à la lune au soleil


Signes en oraison aux Astres

levés droit sur le sable de la page

pour sauver Osiris Dionysos ou Nommo,

le dieu jumeau dogon,

déchiqueté par son père,

Amma, le dieu créateur


Joue

Jour

Nuit

Nue


Sur les cimes,

un vol d’oiseaux chante aux vents les noms des hommes

pour qu’ils les oublient

et que les dieux reviennent manger à leur table


Agape !

Agape !

Spasme des cœurs !

Brouhaha !


Les oiseaux chantent au vent le nom des hommes

au retour des dieux

une femme leur apporte à manger


− Spasme des terres, souffle des lèvres !


Tandis que les eaux font leur nid à nos pieds,

un enfant venant de l’Est s’approche de nous

et déclare :

« Nous ne maîtrisons rien,

tout est en équilibre sur tout. »


La statue d’un Kouros sourit à la vie depuis la nuit des temps

La statue d’un Kouros sourit à la vie depuis la nuit des temps

La statue d’un Kouros sourit à la vie depuis la nuit des temps


Un enfant naît,

un seul pris parmi les autres pour sa mère

morceau de glaise jeté dans l’espace


Le cri

le cri primal

ouverture du corps comme jamais

même après l’orgasme


Jet de glaise

mouvement culminant arrêté dans sa course


Un enfant naît,

son ombre est projetée sur un cadran solaire

au centre d'un labyrinthe


Il est midi

il est minuit

jeudi 9 décembre 2010

Le voyageur et l'ascète

Saint Siméon, le stylite


Un voyageur atteignant aux abords d’une cité

arrive devant un ascète qui médite à sa porte.

Interroge le voyageur, interroge, dit, comment

est la cité, dis, comment est la cité, dis comment ?

L’ascète répond, et comment, la dernière traversée ?

Le voyageur répond, horrible,

l’ascète répond, ici aussi.


Un autre voyageur arrive aux abords de la cité,

croise l’ascète qui médite à sa porte.

Le voyageur interroge, dit comment

est la cité, dis, comment est la cité, dis comment.

L’ascète répond, et comment, la dernière traversée ?

Le voyageur répond, magnifique,

l’ascète répond, ici aussi,

l’ascète répond, ici aussi.


Un voyageur atteignant aux abords d’un ascète

arrive devant une cité qui médite à sa porte.

Interroge le voyageur, interroge, dit, comment

est l’ascète, dis, comment est l’ascète, dis comment.

La cité répond, et comment, le dernier traversé ?

Le voyageur répond, horrible,

la cité répond, ici aussi,

la cité répond, ici aussi,

la cité répond, ici aussi.


Une autre cité, qui arrive aux abords d’un ascète,

croise le voyageur qui médite à sa porte.

Interroge la cité, interroge, dit, comment

est l’ascète, dis, comment est l’ascète, dis comment.

Le voyageur répond, et comment, le dernier traversé ?

La cité répond magnifique,

Le voyageur répond, ici aussi,

le voyageur répond, ici aussi,

le voyageur répond, ici aussi,

le voyageur répond, ici aussi.


Ainsi se croisent,

chaque heure,

voyageur, cité et ascète,

comme bancs de poissons sous la mer,

sans que nul n’imagine

que la cité est le rêve du voyageur

et que le voyageur est le rêve de l’ascète.


J’ai écrit ce poème,

aujourd’hui, douze décembre 2010.

Dans quelques jours,

un autre que moi écrira le même.


Sur la route,

nous traversant l’un et l’autre,

nous ferons semblant

de ne pas nous reconnaître.