dimanche 22 novembre 2009

Tantale 2009



Poésie sonore avec sample de gargouillis d'estomac (diffus, puis progressivement crescendo), une corde pour celui qui la prononce et nombre de sandwiches sur scène et dans le public...



…Il faut manger

…J’ai faim

…J’entends la cloche

…Il faut sonner

…J’ai l’accord de ma mère

…J’ai l’accord de mon père

…J’ai la corde dans les mains pour ça


J’ai la corde



N’entendez-vous pas les sirènes ?


N’entendez-vous pas les sirènes ?



C’est mon estomac

C’est mon estomac

ce gargouillis

Ce n’est pas moi

C’est mon estomac

Je ne suis pas ce que je mange

J’ai toujours été clair avec cela

Je ne suis pas


N’entendez-vous pas les sirènes ?


N’EN-TEN-DEZ-VOUS-PAS-LES-SI-RE-NES ?



La tête oscille en un cil d’avant en arrière

Elle exécute sa danse en même temps que la salive

Le vide la mâche

Elle devient elle-même le cochon saigné

Le cochon perdu dans une poche sous vide

Le remords aux dents la langue saigne

Nous ne sommes pas ce que nous mangeons

D’ailleurs nous ne mangeons pas mais nous causons


N’est-ce pas ?


N’est-ce pas ?


…Vous m’entendez ?…


…VOUS M’EN-TEN-DEZ ?…




La salive nous gagne elle attelle son havresac

Longue remontée des morts dans les ventres

Comme des vents nos ventres des tombeaux

Long soufflet résurgence vide au milieu toujours

Les corps de ce que nous avons mangé reprennent vie


Le flot des espaces marins

La liste interminable des parasites sous nos peaux


Nous sommes tel ce peintre ami de Modigliani

Nous ne mangeons pas durant trois jours

Pour mieux peindre nos modèles


La langue saigne…

Nous sommes tel ce peintre…

Nous rentrons nos ventres dans les ventres de nos modèles

Et nos modèles se mettent à parler

Leur langue traverse la voûte où nous espérons monter

Un gargouillis de mots étoile la cime


Nous mangeons…


Nous mangeons…



Nous prenons les mots pour un festin

L’agape des mots brocardée devant nous

Nous mangeons le mot chair

et le mot chair remplit nos ventres


Tel un son perdu émis d’intestins ventriloques

Nous mangeons

En ce moment précis nous mangeons

En ce moment exact et précis que j’appellerai l’instant I

Nous mangeons

Et I devient l’instant où manger et être mangé est égal



Une cloche sonne l’offertoire

L’assemblée des gueux attend aux portes des églises

Un mendiant indique l’heure au centre d’un cadran solaire

Les religions passent

Les prêtres changent de peau

Le pain résonne toujours

Se voit de loin

Et mange les yeux des foules qui ont faim







…Il faut manger

…J’ai faim

…J’entends la cloche

…Il faut sonner

…J’ai l’accord de ma mère

…J’ai l’accord de mon père

…J’ai la corde dans les mains pour ça

J’ai la corde




N’entendez-vous pas les sirènes ?


N’entendez-vous pas les sirènes ?




Sous les intestins la voûte des haruspices

Annonce la liste des courses parachutées d’en bas

Et dans les greniers du monde la viande des dieux

Commande aux scribes des prières nouvelles



N’en ont pas assez

n’en ont jamais eu assez

N’en ont pas assez

n’en ont jamais eu assez



Le spectacle pleure héraut du énième tohu-bohu la boucle

Un présentateur déclame :

« Les traders se sont trompés. »


KRACH !


Je répète :

Le spectacle pleure héraut du énième tohu-bohu la boucle

Un présentateur déclame :

« Les traders se sont trompés. »


KRACH !




Je répète…





Chantant la corde au cou le souffle court

Le poète Ghérasim Luca est exilé de force en Israël

Le souffle Ghérasim court dans une grotte pour ne pas être enrôlé vivant

Non enrôlé vivant sous

un nom

une bannière

une étoile


Les yeux se ferment sur le long enroulement des vies

Le souffle est rentré dans des casemates

Le réduit des corps

L’espace bien établi entre vous et moi


Nous ne nous touchons plus

Nous préférons la caresse des mots à celle des hommes

Le cerne des mots

& le choix du partenaire


Nous aurons des enfants entre nous

Et ces enfants ressembleront à leurs parents

Les garçons mettront les pieds sous la table

Et les filles se cacheront sous les jupes des mères et le lit du sultan


Nous sommes libres

Nous retrouvons les gestes des mères

Nous soufflons une bougie la nuit

Avant de nous aimer


Aimons toujours

Sommes heureux

Avons des enfants

Mangeons avec eux

Les mangeons

Mangeons


C’est mon estomac, ce gargouillis

Ce n’est pas moi

C’est mon estomac, ce gargouillis

Ce n’est pas moi

C’est mon estomac, ce gargouillis

Ce n’est pas moi


…Vous m’entendez ?…

…VOUS M’ENTENDEZ ?


…Il faut manger

…J’ai faim

…J’entends la cloche

…Il faut sonner

…J’ai l’accord de ma mère

…J’ai l’accord de mon père

…J’ai la corde dans les mains pour ça

J’ai la corde




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