mercredi 22 avril 2009

Attila Joszef - A coeur pur





Le septième


Si tu veux vivre sur cette terre,
que sept fois enfante ta mère !
Dans une maison qui brûle, puis
dans la marée glacée et puis
dans l'asile des aliénés,
dans de doux champs de blé fléchi,
dans un courant désert et puis
dans l'étable, la porcherie
six à vagir du pourquoi ?
Que le septième ce soit toi !

Que si l'ennemi vient te prendre,
vous êtes sept à vous défendre,
Un qui sort en permission,
un qui finit sa mission,
un qui, gratis, enseigne aux gens,
un qu'on jette à l'eau - va nageant !,
un qui est le germe des bois,
un pour qui l'aïeul guerroie,
ruses et feintes ne suffisent pas, -
que le septième ce soit toi !

Si tu désires une amante,
qu'il y en ait sept qui l'aimantent.
Un qui donne son coeur d'un mot,
un qui paye chaque service à flot,
un qui feint d'être le songeur,
un qui court les jupons sans peur,
un qui va trouver la jarretelle,
un qui foule aux pieds la dentelle, -
ils tournent autour, comme les hyènes,
c'est à toi d'être le septième !

Si tu rimes à perdre haleine,
soyez sept pour le poème,
Un qui construit en marbre un bourg,
un qui est né dormeur toujours,
un qui pèse le ciel et approuve,
un devant qui le verbe s'ouvre,
un qui creuse son âme gaiement,
un qui dissèque le rat vivant.
Deux vaillants, quatre savants même, -
c'est à toi d'être le septième !

Et si tout est conforme au texte,
descendez au tombeau à sept.
Un qui se bercera au lait pur,
un qui s'accrochera au sein dur,
un rendra le bol vide à temps,
un fera le pauvre triomphant,
un oeuvrera, raison traquée,
un chérira la lune, braqué :
tous sous la tombe le monde entraîne !
Et toi, tu seras le septième !


Attila Joszef/ A cœur pur
Poésie rock

Denis Lavant (interprète)
Kristina Rady (traduction)
Serge Teyssot-Gay (guitare)

éd. Fictions et Cie/Seuil







2 commentaires:

Antoine Brea a dit…

Amusant de se faire ainsi couper l'herbe sous le pied !

Je viens d'acheter le même livre-disque. Frappé par le même poème, que je m'apprêtais à publier également en billet par chez moi.

Joszef Attila, un grand bonheur en tout cas, particulièrement lorsqu'il est hurlé par un Denis Lavant aussi ultime.

Lemoine a dit…

Oui, un grand bonheur. Ai aussi entendu un autre poème d'Attila Joszef, récité par un comédien dans une sorte de White cube portatif de 2 mètres carré au Musée des Bx-Arts de Dijon, pour une exposition sur les fauves hongrois. C'était ce vendredi, le poème expectoré à quelques centimètres de ma face.