dimanche 11 janvier 2009

Abondance/Alfred Gharapetian


Alfred Gharapetian fait de la vidéo, de la photographie et de la sculpture. Son champ d'action est le décryptage des images médiatiques, la représentation mass-média, la Réalité intégrale. Avec Abondance, sa nouvelle installation à la galerie municipale de Vitry-sur-Seine, le titre et la thématique sont ironiques : Abondance, ici, est le bruit entropique, la profusion/pollution des images son/vidéo, celles de la guerre, du terrorisme, mais aussi, aux antipodes, pourrait-on dire, leur versant Sud ou Nord : le paradis ou l'Eden, la fortune, la richesse, le sommet de la motte de paille, ou ziggurat ; le septième ciel.

Voici donc l'Enfer et le Paradis tel que le Spectacle nous les présente. Rien de nouveau sous le soleil, pourrait-on dire. Godard en avait fait un film, Notre musique. L'Enfer de Notre Musique par Godard : les images photographiques de guerres montrées à l'écran par un Chris Marker sous coke, le Purgatoire présentait le conflit israëlo-palestinien, le Paradis était un ghetto défendu par des GIs : un bois, qui aurait pu être peint par Courbet, dans lequel vivent deux ou trois familles de blancs-blonds-aux-yeux-bleus. Godard, dans son film Notre musique, jouait au professeur, cherchait une distance par rapport aux images de guerres qu'il montrait. "Quelle différence, demande Godard à des étudiants en cinéma, entre cette photographie de guerre et cette photographie de guerre ?" (Sous les photos, il n'y avait pas de légendes.) "Aucune, lui répondait un étudiant, c'est la même guerre" "Non, répond Godard, ici, c'est une scène de décombres lors de la guerre de Sécession, là, c'est Stalingrad ou Verdun, ou..."

Il y a encore une distance, chez Godard, pour évoquer l'enfer. Chez Gharapetian, non, il recycle, broie, tord, détourne les images, fait du copier/coller. La guerre = la guerre = la guerre = la guerre. Plus de distance, ou si peu, celle donnée par le relevé des images, la greffe d'images, là, dans la galerie municipale de Vitry. Faut-il encore un discours pour faire sens ? ou l'usage de la figure de l'aporie ? "C'est terrible ce qu'on voit, aucun mot pour exprimer ça, l'indicible, l'innommable."

Ou bien le rejet pur et simple, le silence, le mutisme. 

A l'autre bout, l'Eden, d'Abondance. Et la vision de l'Eden émise par nos médias n'est pas celle de Notre musique (le bois champêtre, le ruisseau et la biche se désalterant...). L'abondance qu'on nous présente à la télé, c'est Dubaï et ses îles artificielles. Et Dubaï est une cité futuriste, un rêve d'autoroutes et de palais ressemblant à des vaisseaux spatiaux, c'est un paradis néo-fasciste, mais qui s'écroule, qui s'effondre maintenant, avec le Krach, comme un chateau de cartes. Au moment où Gharapetian expose Abondance à Vitry, Dubaï est déjà une ville fantôme.

Abondance, Alfred Gharapetian

Galerie municipale de Vitry-sur-seine (9 janvier, 1 mars 2009)

galerie.municipale@mairie-vitry94.fr/01 46 82 83 22

Journal de l'exposition avec des contributions d'Isabelle Rieusset-Lemaire et de moi-même.

Et je serai avec Alfred Garapethian à la galerie municipale de Vitry, le dimanche 1 février, à 17 h., pour une rencontre. Le thème : paradis et utopies aujourd'hui.


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