mercredi 2 décembre 2009

dimanche 29 novembre 2009

Sur l'utopie//Protée



Comme il y a trop d'écrivains, trop d'artistes et pas assez d'utopistes, j'ai décidé de passer à la vitesse supérieure.



Le 13 novembre 2009, je reçois une lettre du Centre régional de Bourgogne qui me propose de rédiger ma propre fiche "auteur".

Comme, pour moi, l'identité est un frein à la liberté, puisque celle-ci ne permet pas à l'homme d'accéder à une péréquation des vies, seule capable de le métamorphoser, la semaine dernière, j'envoie la fiche suivante :

"Le principal travail poétique de l'auteur "Bruno Lemoine" concerne les rapports et les différences entre la notion sociale d'identité et la liberté.


L'auteur "Bruno Lemoine" s'arroge ici le droit de donner des éléments bio et bibliographiques qu'il aura préalablement choisis, selon cycle régulier, séculier ou fantaisiste, calendrier grégorien & martien, temps réel & imaginaire.

Sur le site internet 1 de l'auteur "Bruno Lemoine" (voir fiche identité ci-dessus), vous pouvez voir une présentation de son travail aux éditions al dante. Le portrait photographique montré dans cette fiche de présentation n'est pas le sien, mais celui de l'Homme-objet, un artiste performer français, qui a aussi deux autres noms, Made in Eric et Eric Madeleine. L'année de naissance, inscrite dans la fiche de présentation : "Bruno Lemoine" aux éditions al dante, est aussi inventée.



Des données bio et bibliographiques sont inventées.

Le dernier ouvrage publié par l'auteur "Bruno Lemoine" aux éditions al dante, L'après-journal Nijinski, est un roman utopique qui permet de mieux saisir tout l'enjeu poétique et éthique du travail de "Bruno Lemoine". L'après-journal Nijinsky est le journal d'un danseur étoile, Etienne, qui voudrait être Nijinski, ou "Fou de Dieu". Le danseur Nijinski a été nommé "Fou de Dieu", parce que, dans ses cahiers, il se prenait pour Dieu.

Dans L'après-journal Nijinski, le narrateur Etienne invente une utopie, dans laquelle chaque individu peut être ce qu'il entend, même Dieu. Un extrait du roman utopique L'après-journal Nijinski est mis en ligne sur le site des éditions al dante.

L'auteur : "Bruno Lemoine" considère que l'individu est une construction culturelle et sociale qui reste à inventer. Pour ce faire, il faut que la société et le système administratif des pays donnent le droit à chaque homme de disposer de son identité. Le krach, l'échec des modèles "mondialisation" ou "alter-" ou "anti-mondialisation", la crise des valeurs familiales et de l'amour rendent nécessaires la réalisation d'un tel projet utopique. Nous n'avons jamais été si peu libres, de part le monde, puisque nous n'avons jamais été aussi peu différents.


Bibliographie

Matachine ou le lecteur enchaîné, roman, al dante, Paris : 2006
L'après-journal Nijinski, roman utopique, al dante, Paris : 2008

La vie des insectes, nouvelle, revue Nioques, Le mot et le reste, Marseille : 2008

Textes littéraires pour le journal poétique Res poetica, new al dante, Limoges, 2007
Textes littéraires et philosophiques pour Abondances le journal d'une installation artistique de l'artiste Alfred Garapethian en février 2008, à la galerie municipale de Vitry-sur-Seine.



Actions poétiques et performances

Action poétique avec le performer Eric Madeleine à Dijon en décembre 2007, L'après-journal Nijinski
Installation et performance d'Eric Madeleine et Bruno Lemoine, Journée du patrimoine de Vitry-sur-Seine, Pompino la sucette qui rend beau, septembre 2008.
Action poétique avec Eric Madeleine, Soirée Manifesten, Théâtre de l'union, Limoges : Texte aux encordés, décembre 2008.
Actions poétiques dans le cadre du festival de performance Le NIPAF au Japon, février 2009.


Chantiers littéraires, poétiques et artistiques

Création d'un recueil de poètes contemporains, L'homme approximatif, avec le poète François Dominique.
Ecriture d'un roman participatif, Le livre ouvert. Bourse à la création du CNL pour le projet Le livre ouvert (décembre 2008)
Mise en place d'un collectif de performers sur Dijon, The Random Syndicate. Actions artistiques mensuelles, depuis septembre 2009, à la galerie Nü Koza (Dijon) "


Ma fiche identité "Auteur" n'a, évidemment, pas eu de suite.



Je demande que, au moins, dans le domaine dit "culturel et artistique", un auteur et un artiste aient la liberté de choisir l'identité qu'ils désirent.



Vous serez informés, en tant et en heure, des différentes démarches que j'aurai effectuées dans les semaines à venir.


Protée

dimanche 22 novembre 2009

Tantale 2009



Poésie sonore avec sample de gargouillis d'estomac (diffus, puis progressivement crescendo), une corde pour celui qui la prononce et nombre de sandwiches sur scène et dans le public...



…Il faut manger

…J’ai faim

…J’entends la cloche

…Il faut sonner

…J’ai l’accord de ma mère

…J’ai l’accord de mon père

…J’ai la corde dans les mains pour ça


J’ai la corde



N’entendez-vous pas les sirènes ?


N’entendez-vous pas les sirènes ?



C’est mon estomac

C’est mon estomac

ce gargouillis

Ce n’est pas moi

C’est mon estomac

Je ne suis pas ce que je mange

J’ai toujours été clair avec cela

Je ne suis pas


N’entendez-vous pas les sirènes ?


N’EN-TEN-DEZ-VOUS-PAS-LES-SI-RE-NES ?



La tête oscille en un cil d’avant en arrière

Elle exécute sa danse en même temps que la salive

Le vide la mâche

Elle devient elle-même le cochon saigné

Le cochon perdu dans une poche sous vide

Le remords aux dents la langue saigne

Nous ne sommes pas ce que nous mangeons

D’ailleurs nous ne mangeons pas mais nous causons


N’est-ce pas ?


N’est-ce pas ?


…Vous m’entendez ?…


…VOUS M’EN-TEN-DEZ ?…




La salive nous gagne elle attelle son havresac

Longue remontée des morts dans les ventres

Comme des vents nos ventres des tombeaux

Long soufflet résurgence vide au milieu toujours

Les corps de ce que nous avons mangé reprennent vie


Le flot des espaces marins

La liste interminable des parasites sous nos peaux


Nous sommes tel ce peintre ami de Modigliani

Nous ne mangeons pas durant trois jours

Pour mieux peindre nos modèles


La langue saigne…

Nous sommes tel ce peintre…

Nous rentrons nos ventres dans les ventres de nos modèles

Et nos modèles se mettent à parler

Leur langue traverse la voûte où nous espérons monter

Un gargouillis de mots étoile la cime


Nous mangeons…


Nous mangeons…



Nous prenons les mots pour un festin

L’agape des mots brocardée devant nous

Nous mangeons le mot chair

et le mot chair remplit nos ventres


Tel un son perdu émis d’intestins ventriloques

Nous mangeons

En ce moment précis nous mangeons

En ce moment exact et précis que j’appellerai l’instant I

Nous mangeons

Et I devient l’instant où manger et être mangé est égal



Une cloche sonne l’offertoire

L’assemblée des gueux attend aux portes des églises

Un mendiant indique l’heure au centre d’un cadran solaire

Les religions passent

Les prêtres changent de peau

Le pain résonne toujours

Se voit de loin

Et mange les yeux des foules qui ont faim







…Il faut manger

…J’ai faim

…J’entends la cloche

…Il faut sonner

…J’ai l’accord de ma mère

…J’ai l’accord de mon père

…J’ai la corde dans les mains pour ça

J’ai la corde




N’entendez-vous pas les sirènes ?


N’entendez-vous pas les sirènes ?




Sous les intestins la voûte des haruspices

Annonce la liste des courses parachutées d’en bas

Et dans les greniers du monde la viande des dieux

Commande aux scribes des prières nouvelles



N’en ont pas assez

n’en ont jamais eu assez

N’en ont pas assez

n’en ont jamais eu assez



Le spectacle pleure héraut du énième tohu-bohu la boucle

Un présentateur déclame :

« Les traders se sont trompés. »


KRACH !


Je répète :

Le spectacle pleure héraut du énième tohu-bohu la boucle

Un présentateur déclame :

« Les traders se sont trompés. »


KRACH !




Je répète…





Chantant la corde au cou le souffle court

Le poète Ghérasim Luca est exilé de force en Israël

Le souffle Ghérasim court dans une grotte pour ne pas être enrôlé vivant

Non enrôlé vivant sous

un nom

une bannière

une étoile


Les yeux se ferment sur le long enroulement des vies

Le souffle est rentré dans des casemates

Le réduit des corps

L’espace bien établi entre vous et moi


Nous ne nous touchons plus

Nous préférons la caresse des mots à celle des hommes

Le cerne des mots

& le choix du partenaire


Nous aurons des enfants entre nous

Et ces enfants ressembleront à leurs parents

Les garçons mettront les pieds sous la table

Et les filles se cacheront sous les jupes des mères et le lit du sultan


Nous sommes libres

Nous retrouvons les gestes des mères

Nous soufflons une bougie la nuit

Avant de nous aimer


Aimons toujours

Sommes heureux

Avons des enfants

Mangeons avec eux

Les mangeons

Mangeons


C’est mon estomac, ce gargouillis

Ce n’est pas moi

C’est mon estomac, ce gargouillis

Ce n’est pas moi

C’est mon estomac, ce gargouillis

Ce n’est pas moi


…Vous m’entendez ?…

…VOUS M’ENTENDEZ ?


…Il faut manger

…J’ai faim

…J’entends la cloche

…Il faut sonner

…J’ai l’accord de ma mère

…J’ai l’accord de mon père

…J’ai la corde dans les mains pour ça

J’ai la corde




lundi 9 novembre 2009

THE RANDOM SYNDICATE


The Random Syndicate


Mise en circulation d’actions poétiques passées, présentes et futures

Étude et prospective d’événements nouveaux

Cabinet des curiosités

Pretty things

Hasard

*


Mise en circulation d’une action poétique :

Lecture couplée de L’imagerie du hasard de Georges Brecht et de L’homme-dé de Luke Rhinehardt


- selon procédure aléatoire et mise au pas du public -


Galerie Nü Koza, Samedi 14 novembre 2009 à 20 heures


Les membres de The Random Syndicate ont décidé d’exaucer pour vous l’un de vos désirs.

Pour ce faire, notez ci-dessous six désirs que vous aimeriez voir assouvis :

1 - .

2 - .

3 - .

4 - .

5 - .

6 - .

Le samedi 14 novembre à 20 h, à la galerie Nü Koza (Dijon), l’un de ces six désirs sera choisi par le dé. Si l’un des membres de The Random Syndicate accepte de l’exaucer, il le fera dans le mois qui suit.

- N° du désir choisi par le dé :

- Nom du membre de The Ransdom Syndicate ayant accepté d’exaucer le désir :

.

- Votre désir sera exaucé à (date/heure) , à (lieu).


Si aucun des membres de The Random Syndicate n’a accepté d’exaucer le désir choisi, ils noteront ci-dessous les raisons ayant motivé leur refus.


Motifs du refus :

The Random Syndicate

Pour voir votre désir assouvi, notez :

- Votre nom :

- Votre n° de téléphone :

- Votre adresse e-mail :

The Random Syndicate espère que tous vos désirs seront assouvis prochainement.


Laissez votre feuille avec vos désirs à la Galerie Nü Koza, 89, rue Berbisey, 21000 Dijon, ou par mail : brun.lemoine@laposte.net / www.nukoza.com

Bruno : 06 13 17 06 93/Fabien : 06 84 59 83 39/

lundi 19 octobre 2009

Matachine



Sur le site sos-art.com, sous la thématique Discipline, le chantier de mon premier roman, publié chez al dante, Matachine ou le lecteur enchaîné...

Ou Matamachine,
puisque Matachine est une machine texte, une machine schizo, une machine célibataire, qui doit autant à Kafka qu'à Lautréamont
(ce qui est finalement assez simple à écrire, vous n'avez qu'à allumer votre poste télé, il suffit de se laisser porter).

sos-art est un site poésie/art/son/vidéo conçu par Eric Cassar, Nicolas Carras et Tristan Mory, auteurs, poètes, musiciens et/ou vidéastes. Régulièrement, un thème est tiré au sort (Finitude, Poisson, Collage...), tout le monde peut participer : soit accepter ou non la contrainte du thème choisi, pas rasé, par hasard.

Donc, sous Discipline, on peut trouver, ce mois-ci, les noms de :

- Malatray;
- Bawati,
- Carras,
- Hildebrandt,
- Lemoine,
- Cassar,
- Langoutte,
- Bennett,
- Bufflier,
- Mory,
- Vienne.

Bonne visite...

http://www.journaltheme.com/dicipline/defdscipline.html

dimanche 11 octobre 2009

THE RANDOM SYNDICATE

The Random Syndicate



Mise en circulation d’actions poétiques passées, présentes et futures
Étude et prospective d’événements nouveaux
Cabinet des curiosités
Pretty things

Hasard


*


Les membres de The Random Syndicate ont décidé d’exaucer pour vous l’un de vos désirs.
Pour ce faire, notez ci-dessous six désirs que vous aimeriez voir assouvis :

1 - .

2 - .

3 - .

4 - .

5 - .

6 - .


Le samedi 14 novembre à 20 h, à la galerie Nü Koza (Dijon), l’un de ces six désirs sera choisi par le dé. Si l’un des membres de The Random Syndicate accepte de l’exaucer, il le fera dans le mois qui suit.


- N° du désir choisi par le dé :

- Nom du membre de The Ransdom Syndicate ayant accepté d’exaucer le désir :

.

- Votre désir sera exaucé à (date/heure) , à (lieu).

Si aucun des membres de The Random Syndicate n’a accepté d’exaucer le désir choisi, ils noteront ci-dessous les raisons ayant motivé leur refus.


Motifs du refus :

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The Random Syndicate ©






Mise en circulation d’une action poétique passée :

Levée d’écrou
de Ghérasim Luca

Ghérasim Luca, né à Bucarest en 1913 et mort à Paris en 1994, l’une des figures désormais dominantes de la poésie française contemporaine, est l’auteur de textes exigeants et surprenants, fascinants et déroutants, dont, entre autres, L’inventeur de l’amour ou Héros-limite sont des témoignages toujours vivants. Bref, Ghérasim Luca pourrait bien être celui que Gilles Deleuze nomma en son temps « le plus grand poète français »…

Galerie Nü Koza, Samedi 17 octobre 2009 à 20 heures, lecture de Levée d’écrous de Ghérasim Luca/action poétique


Pour voir votre désir assouvi, notez :
- Votre nom :
- Votre n° de téléphone :
- Votre adresse e-mail :



The Random Syndicate espère que tous vos désirs seront assouvis prochainement.

Laissez votre feuille avec vos désirs à la Galerie Nü Koza, 89, rue Berbisey, 21000 Dijon, ou par mail : brun.lemoine@laposte.net
www.nukoza.com
Bruno : 06 13 17 06 93/Fabien : 06 84 59 83 39/

Vous pouvez Copier/Coller ce tract en format Word et nous l'envoyer

jeudi 1 octobre 2009

Maison (8)






Sur Internet, un livre d'artiste se construisant au fil des mois et des amitiés : Runbook.
Runbook grossit et grossira de janvier 2009 à janvier 2010 et a pour thème le paysage.

Ce mois-ci, il y a un texte de moi, un peu avant cette photographie de Brigitte Perroto et juste après une photographie du poète Jean-Marie Gleize. Si vous ne connaissez pas Jean-Marie Gleize, lisez absolument, sautez sur Film à venir, chez Fiction & Cie. Dans ce texte remarquable, on peut deviner, derrière les mots de Jean-Marie Gleize, des images ; non pas imaginer, mais deviner des images.
L'auteur laisse le lecteur libre de faire le film dont il rêve.


Voici une page du livre que je suis en train d'écrire et que j'ai envoyé pour l'occasion.




Ce que devient le paysage



Des nouvelles imageries, des nouvelles visions de l’environnement humain


Dispositif radar infrarouge Xaver Camero 800 (made in Israël)




Je reconnais peu à peu des formes stables, se mouvant rouges, jaunes orangées et noires, dans ce qui paraissait être l’horizon infini de l’éther bleu. Des silhouettes se dégagent à gauche et à droite, en haut et en bas, des corps incandescents se révèlent comme ailes rouges de séraphin dans les fresques de Giotto. Les corps sont isolés dans l’espace maintenant, fragiles flammèches brillant par elles-mêmes sur le fond bleu d’un ciel ouvert, lucioles dilatant d’un rayonnement chaud le décor moisi de taches noires : le sentiment de lire un tableau en descendant dans une crypte, la peur que la lumière diffusée par mes yeux gêne le libre agencement des codicilles. Derrière l’incarnat de corps incandescents, à quelques mètres de moi, transparaît en filigrane le phosphore d’une ossature, des organes, d’un cerveau, et les couleurs primitives des tissus glissent autour de cet axe comme fondent les huiles colorées dans l’eau, le glissement des plis des tissus avant morphogenèse. Il n’y a pas de maison, je ne dénombre pas cinq individus dans un espace délimité. Ce n’est pas que mon regard a perdu l’ordre des lieux, que la peinture des maîtres du Quattrocento nous faisait percevoir, mais, depuis cinq siècles déjà, les machines nous permettant de voir ont évolué et, désormais, nos pensées exécutent autour du visible une danse nouvelle. Voici Béatrice qui monte dans sa chambre, Pierre fait les cent pas dans son bureau, Isabelle et les jumeaux dorment dans leurs lits. La charpente de la maison se laisse deviner, les chambres, les escaliers, quelques meubles, les objets les plus volumineux transparaissent à leur tour, à mesure que l’œil prend connaissance du fonctionnement des imageries modernes. Voici Béatrice, Béatrice est Béatrice. Est désormais vanité ce qui prend corps dans un texte, ce qui a un nom, ce dont on peut percevoir la mort à venir, en même temps que le désir : la robe de Béatrice glisse au sol comme une chrysalide, sa chair est moirée, cristalline, enveloppe déterminant le circuit fermé des flux sanguins, le jeu des humeurs, le rythme singulier du ressac et sa logique interne. Et l’impression première demeure : le sentiment que Béatrice, par delà son corps, est flammèche ou flamme, que son contour est liquide comme silhouette de méduse, et ce sont les lois physiques elles-mêmes qui, devant ce que je me dois encore de désigner ici par le pronom « elle » ou le nom « Béatrice », ce sont les lois physiques elles-mêmes qui sont énigmatiques. Le corps de Béatrice diminue d’un quart, puis il n’est plus qu’une ligne étendue immobile, mais le flux de la vie poursuit sa course, quand elle dort. – Percevez-vous cela ? Percevez-vous la vie libre s’agitant toujours, quand vous croyez la maîtriser, quand votre esprit s’entend dire, Je dispose de moi et le croit ? Quelque chose s’est figé en nous, quelque chose s’est mis jadis à refroidir dans le moule d’un statuaire, mais l’écume de nos origines remonte. Béatrice se réveille, Béatrice attend le sommeil, son corps cherche une position où sa masse n’empêchera pas son esprit de vaquer, Pierre range ses affaires en bas, puis monte un escalier, un des jumeaux (Romain ou Julie ?) sort de sa chambre pour les toilettes. À côté d’eux, à quelques mètres, le miaulement d’un chat, le battement d’ailes d’un oiseau, des corps humains pénétrés se recroquevillent enlacés, la vision fugitive d’un homme assis dans une voiture, le panorama des flammèches ajustées les unes aux autres, l’ordre urbain des villes, la cartographie des astres autour d’un axe syntagmatique, la langueur silencieuse d’une petite ville de province, un chant monotone derrière lequel sourd des accents mélodieux, la vie un instant rangée dans le lit d’une rivière…




… et la mer, la mer au loin, la mer englobant tout …





mercredi 30 septembre 2009

Maison (7)



Quelque part



Me M se lève à 8 h 30. Elle allume la radio pour écouter les informations en grommelant sur l’éternelle stupidité de ceux qui nous dirigent. Elle fait chauffer une casserole d’eau et ouvre ses volets. La journée sera belle. Les serveurs sont déjà à l’œuvre, ils installent les tables de la place couverte de terrasse. Leurs clients ont été bien bruyants hier soir. Elle retourne préparer son thé et note que sa casserole commence à se couvrir de tartre. Sa douleur à la hanche reprend. Elle sort ses cachets et s’assoit. Que faire aujourd’hui ? Attendre le courrier à 11 heures. Le Bien Public. Peut-être une carte postale de sa petite fille. Sortir acheter le pain à midi. Echanger quelques mots avec la boulangère. Déjeuner des restes de poulet d’hier soir. Regarder la télévision. Penser à son mari parti si vite d’une mauvaise grippe. Comme Me C. Repriser sa chemise de nuit. Dormir un peu. Finir ces mots croisés qui lui ont donné tant de mal. Regarder la vie des gens sur les terrasses en contre bas. Surprendre quelques bribes de conversation. Préparer les épinards de ce soir. Peut-être sa fille va-t-elle appeler aujourd’hui, non, on n’est que mercredi. Elle appelle le samedi. Si peu à lui dire de toute façon. Ma hanche me fait mal. As-tu entendu les nouvelles de la grippe ? Maman il faudra aller voir le médecin pour ton vaccin. J’ai jamais aimé les médecins. A mon âge, tu sais, si je dois mourir, c’est que le bon dieu en aura décidé ainsi. Maman arrête ne dis pas ça. Quand viendras-tu me voir ? A l’automne. Comment vont les enfants ? Au revoir et à samedi prochain. Ca, ça sera samedi. On est mercredi.


La lente litanie des jours qui s’écoulent en silence. Que c’est long de mourir.


Kler, juillet 2009.



Le blog de Kler :

kler.over-blog.net




jeudi 17 septembre 2009

Maison (6)

Appel à participation


Je recherche trois propriétaires de maisons, à l'Est de la France, pour participer à une vidéo intitulée l'anneau de Möbius.

L'anneau de Möbius est un jeu amusant que j'ai mis au point avec une amie vidéaste et il ne sera joué qu'une seule fois.

Pour de plus amples informations, mon mail : brun.lemoine@laposte.net

N'hésitez pas à me contacter !




mercredi 9 septembre 2009

Maison (5)

Photo trouvée

Porte d'entrée de l'immeuble de Michel Frizot à Paris.
Michel Frizot est historien de la photographie, auteur, avec Cédric de Veigy
, du livre de photographies
Photo trouvée,
Éditions Phaidon, Paris : 2006


http://www.evene.fr/livres/livre/michel-frizot-et-cedric-de-veigy-photo-trouvee-23104.php

mardi 8 septembre 2009

mercredi 15 juillet 2009

Maison (2)



A cette adresse.

La porte est grande, il eut fallu que j'y passe plusieurs fois devant pour m'y trouver. Je ne parle pas le slovak. Si ce n'est derrière la vitre de la voiture qui aurait pu en sortir que j'aurais malgré moi voulu terminer ce qui se voit. Le commun veut que l'inscription demeure même dans l'effacer, l'adresse avait pourtant été utilisée à d'autres fins, comme nous faisions il y a quelques années des formes géométriques avec cela : la date, le sujet et le lieu. L'objet peut-être, d'imposer sur le fait une description fade et stridente d'une ouverture restant sans signe. Ce n'est pas une généralité que je m'impose, ce n'est que ce qu'elle recouvre dans notre aimable impression vivante d'y être bientôt décharné.

Franck Fontaine
Slovaquie, septembre 2008.


De Franck Fontaine, Trois pièces et quelques introductions

mardi 2 juin 2009

Maison (1)


Life Guard Tower, Miami

"Voici la maison."

François Dominique

Bibliographie de François Dominique sur le site de POL

lundi 18 mai 2009

Le livre ouvert : les règles du jeu




Bonjour F.,

J'ai bien reçu 3 fioles contenant un liquide que j'ai bu en pensant "schnaps" ; je crois que cela a trait lié à la photographie de tertre ou terre-plein que je t'ai envoyé de Tokyo. J'ai aussi reçu un poème de toi provenant d'un blog. Je vais mettre ce blog sur mon blog dans la rubrique "Liens amis". Mon blog s'appelle w-imaginaire, il se lit, se consulte, s'ouvre et se referme. Cela me permet de me relire aussi. Peut-être que j'en tirerai quelque chose, un de ces jours.

Je t'ai aussi envoyé un texte qui est plutôt un jeu que j'essaie d'installer. Le jeu s'appelle Le livre ouvert, une machine/fiction, ou quelque chose d'approchant. Le jeu est assez nouveau, le texte est inédit, c'est à dire que je pense qu'il ne trouvera pas d'éditeur.

Voici les règles du Livre ouvert :

- Tu trouves une maison qui te plaît.
- Tu m'envoies la photographie de la maison.
- Tu écris un texte non plus pour un éditeur, mais pour l'homme ou la femme, propriétaire ou locataire de la maison.
- L'homme et la femme, propriétaire ou locataire, devront être ton (ou tes) lecteur(s) privilégié(s).

- Tu commences un texte dans lequel le propriétaire de la maison est un personnage ou plusieurs.

- Tu écris un texte comme une enfant joue avec une maison de poupées.

- Tu envoies le texte à la maison.

- Tu sonnes quelques jours plus tard.


Si tu es content de toi, tu peux m'envoyer le texte.

Le texte peut donner suite à un jeu nouveau entre toi et le propriétaire ou locataire de la maison.


- Dis-moi ce qu'il en ressort.

- Envoie-moi le texte.

L'expérience est la seule qui m'intéresse encore un peu en littérature.
Pour le reste...

A bientôt.

Bruno Lemoine

lundi 4 mai 2009

Le livre ouvert, une machine/fiction




Il s'agit d'écrire une histoire pour une maison, comme on écrit une histoire pour un roman.
Et bientôt, l'angoisse de la page blanche devient l'angoisse de la maison.

dimanche 26 avril 2009

La machine fictionnelle

La guerre des mondes d'Orson Wells


La machine fictionnelle



J’appelle Machine fictionnelle une machine dont l’auteur émet la fiction qu’il a produite hors des réseaux culturels et des rites d’interaction prévus à cet effet. Une machine fictionnelle n’est donc pas nécessairement un produit culturel et commercial, ni même forcément un produit ; il n’y a plus de producteur et de consommateur au sens habituel du terme. Le lecteur ou le spectateur ne sont plus libres de recevoir la fiction émise par la machine fictionnelle, mais ils la rencontrent sur leur route et ils l’acceptent ou ils la subissent.

Le storytelling est une machine fictionnelle ancestrale. Naturellement, le fait de raconter les histoires et les légendes des aïeux d’une famille au Mali, quand on est un griot, n’est pas le même type de storytelling que celui auquel se soumet un cadre dans un stage que lui a payé son entreprise ou un militaire dans une simulation virtuelle de conflits, mais ni le cadre ni le militaire, ni même le Malien, ne sont libres de recevoir un tel type de machine fictionnelle, puisque l’initiative de l’achat d’une telle machine ne leur revient pas. Le Malien reproduit les gestes culturels de ses ancêtres, le cadre et le militaire reproduisent les gestes que le manager ou l’armée veulent leur faire produire.

Un hoax est aussi une machine fictionnelle. Un hoax est un canular informatique sous forme de mail ou de lettre-chaîne. Ici, une assimilation de la machine fictionnelle avec la machine littéraire surgit couramment : si les poèmes anecdotiques de Mallarmé et le mail-art sont des machines littéraires, les poèmes de Mallarmé ne sont pas des machines fictionnelles et le mail-art ne l’est pas nécessairement. Ainsi, en mars 2008, les éditions è®e ont publié un livre intitulé Hoax. Certains textes publiés par è®e sont de véritables hoax envoyés par des inconnus sur les boîtes-mail de particuliers et certains ont été commandés par l’éditeur à des auteurs. Les premiers textes sont des machines fictionnelles, puisqu’ils vont à l'encontre des principes de l’hospitalité, les seconds textes sont des machines littéraires au sens que Deleuze et Guattari ont donné à ce terme, à savoir des agencements énonciatifs complexes dessinant les formes du désir. Les machines littéraires, qu’elles soient des ritournelles, de la littérature terroriste, des manifestes ou des utopies, s’inscrivent dans des cadres de communication qui les précèdent, elles font partie de réseaux et sont le signe de liens communautaires plus ou moins manifestes. Or la machine fictionnelle est le plus souvent un court-circuit dans les réseaux de communication courants et n’est donc pas nécessairement littéraire.

La pièce radiophonique d’Orson Wells, La guerre des mondes, est une machine littéraire qui est aussi une machine fictionnelle. En 1938, de nombreux New-Yorkais prirent une pièce de théâtre radiophonique pour un journal qui annonçait l’invasion de la Terre par les Martiens. Ici, comme pour le storytelling, la machine fictionnelle était devenue un simulacre. La première pièce radiophonique à avoir été une machine fictionnelle en France fut celle de Gabriel Germinet et s’intitulait Marémoto. Diffusée en 1922, Marémoto était même la première pièce radiophonique à être émise en France et elle fut aussitôt censurée par le Ministère de la marine pour avoir fait entendre le naufrage d’un paquebot à travers les SOS émis de ses deux transmetteurs. Douze ans plus tard, Germinet émettait sur les ondes un snuff-movie qui fut aussitôt censuré, Great Guignol. La pièce Great Guignol faisait entendre le suicide d'un comédien sur la scène d'un théâtre et jouait de la mise en abîme entre comédien/personnage, réalité et fiction. Sur Internet, le snuff-movie est, à mon sens, la machine fictionnelle moderne la plus remarquable, parce qu’il joue des ambiguïtés propres à la Cène christique : est-ce vrai ? faux ? est-ce un cadavre ou simplement du pain azyme ? Nul ne sait.

Le recueil de lettres, Levée d’écrous, du poète Ghérasim Luca est une autre forme de machine littéraire fictionnelle qui s'adresse directement à un inconnu sans qu'une réponse ne lui soit possible. Deux ans après son arrivée à Paris, Luca rédigeait jour après jour vingt-trois lettres à un inconnu qui furent adressées par une amie à un destinataire anonyme tiré par elle au hasard. Voici la première de ces lettres :

« 6 novembre 19…

Monsieur,

On éprouve parfois, comment dirais-je, une sorte de pudeur illusoire et fondamentalement négative à prononcer votre nom ou tout simplement vos initiales.
Donnez-moi plutôt votre nombre, votre pénombre…
Mais quelles sont au juste vos qualités ?
L’homme doit arriver à voir l’air dans ce qu’il pense. »

Il s’agit même de la plus belle machine fictionnelle produite à ce jour, parce que, si les principes de l’hospitalité ne sont pas respectés, le don poétique de Luca reste gratuit et d’une générosité inégalée.

À ma connaissance, deux cinéastes ont fait le rêve de transformer leur film en machine fictionnelle ; il s’agit de David Lynch avec le début de Lost Highway et Michael Hanneke avec son film Caché (même si le début de Caché est largement influencé par Lost Highway de Lynch) : un homme trouve, dans sa boîte aux lettres, une cassette-vidéo. En visionnant la cassette, il constate qu’un individu a filmé l’intérieur et l’extérieur de sa maison… Mais, en littérature comme au cinéma et au théâtre, la machine fictionnelle ne peut être qu'un rêve, parce que l’individu est un spectateur conscient de ce qu'il va voir. Il n’y a donc aucun élément de surprise ou de provocation, tout est convenu à l’avance. En art action comme en poésie action, la question des machines fictionnelles est même totalement occultée, alors qu’elle devrait être primordiale, et pour cause. La machine fictionnelle pose une question proprement inattendue, celle d’une hospitalité absolue, de celle qu’aucune maison d’édition ni aucun centre d’art ne peut entendre…

« J’ai oublié mon nom, m’sieur, j’ai perdu mon nom, et c’que j’fais, c’est KK. Laissez-moi rentrer dans votre maison d'éd. vot' galerie. J’vous aime bien, vous savez. Mais, après m’avoir accueilli, je cracherai en partant sur la seule chose sale que j’aurais vue chez vous, et, cette chose, ce sera vous... Davance, merci » Diogène