jeudi 17 mai 2007

Lettre aux homonymes

M. Bruno Lemoine,

À Monsieur Bruno Lemoine


Cher Monsieur,


Nous ne nous connaissons pas et cela devrait en rester là entre nous. Mais, comme moi, parfois, il m’arrive de vouloir m’amuser, je me dis que, peut-être, l’un de mes homonymes ressent la même envie que moi.

Moi aussi, je m’appelle Bruno Lemoine, comme vous, et je suis un écrivain. Peut-être que, vous aussi, vous êtes un écrivain, et que vous aimez les canulars, comme moi. En tout cas, moi, si je suis devenu écrivain, c’est par amour des canulars, par amour pour les canulars.

J’en suis aujourd’hui à mon deuxième livre qui sera publié dans quelques mois aux éditions al dante. Mon premier livre s’appelle Matachine, publié l’année dernière dans la même maison d’édition. Vous pouvez trouver des traces de moi sur Internet en faisant des recherches et j’ai aussi un blog sur Google, intitulé V-imaginaire. Vous verrez sur ce blog des « autoportraits » de moi, dont l’un, le dernier, me représente en jeune femme enceinte (j’en suis très fier). Le concept que je me propose de faire aboutir, c’est que de permettre à d’autres personnes que moi de jouer mon rôle.

Voilà pourquoi j’aimerais vous rencontrer. Vous avez pu avoir envie, comme moi, de jouer un autre rôle que le vôtre, mais le temps ou les circonstances ne vous ont pas permis d’exaucer ce souhait.

En tout cas, ce dont je suis sûr, c’est qu’une telle lettre ne pourra pas vous laisser indifférent. J’espère qu’elle vous aura amusé, vous aussi. Et si, comme moi, vous aimez la vraie et franche rigolade, appelez-moi.

Cordialement.


Bruno Lemoine

samedi 5 mai 2007

La jetée


Pour la réminiscence, il faut prendre un point de départ, d’où l’on commence à avancer pour se rappeler. C’est pourquoi on peut rencontrer des gens qui se rappellent à partir des lieux dans lesquels une chose a été dite, faite ou pensée. En conséquence, Tullius enseigne dans sa Rhétorique que pour se rappeler facilement, il faut imaginer une certaine succession de lieux sur lesquels on distribue dans un certain ordre les images de toutes les choses que l’on veut se rappeler. Ainsi, je me souviens – pour quelle raison, je l’ignore – de telle personne qui avançait dans un couloir d’aéroport, une femme jeune qui venait vers moi et me souriait ; j’étais un enfant. Je crois que cette femme a, elle aussi, quelque part, le souvenir d’un enfant qui la regardait dans ce couloir et que, elle aussi, peut me rappeler à son souvenir. Mais si ce lieu n’a jamais existé pour elle et pour moi, s’il n’était qu’une méthode par laquelle une personne cherchait à conserver des mots, des pensées ou des gestes, qui peut dire si ce procédé ne deviendra pas plus prégnant que la connaissance qu’il nous a léguée ?

Ainsi, je n’aurais, dans mon cerveau, que les cheminements des pensées que j’ai formulées, non pas une ruche désaffectée de ses guêpes ou un labyrinthe, mais la longue marche par laquelle cette ruche a été bâtie, le déblaiement des couloirs des griffes des taupes ou l’avancée de bulldozers sur une route qui ne mène nulle part. Alors, la jeune femme que j’ai vue dans un aéroport ne serait plus pour moi l’image d’une émotion ressentie, son ressouvenir, mais une énigme, la conviction d’un savoir caché derrière elle et l’impression, peut-être, d’avoir déjà vu cette femme quelque part et de l’avoir connue. Et la femme, de son côté, pourrait s’entendre dire à mon passage : « Mon fils » Mais de qui parlerait-elle ?

Ayant survolé le travail de Lydie Jean-Dit-Pannel sur la toile, par hasard.


souffle coupé -



Un essaim de papillons sur le corps

clairière

mise en récit

malgré elle


d'un ancien sâdhana tantrique




http://www.lemas.fr/mes_encres.pdf

Autoportrait 9 - Bruno Lemoine - 5 mai 07

mardi 1 mai 2007

Poésie

En réponse à un commentaire anonyme (norepty.google, etc) : "Tu devrais écrire plus de poésie, Bruno !"


To-to-to-to-to-to émet le fredon du nouveau-né,
T occlusif claquant liquide et tournant dans le limon des langues :
Toute parole est égale à toute autre.

Tu peux vivre tous les livres et lire toutes les vies,
l'océan de lait coule toujours de ta bouche
et noie tes pensées dans une syllabe unique.

Tu n'as pas besoin de maître, de langue, de raison, de travail,
tu n'as même pas besoin de moi pour être heureux et fortuné.

Chaque liquide coule en gouttes sur tes joues,
chaque vie glisse sur ton corps, unique,
et se mêle à toute autre,
comme clapottement de larmes.