samedi 16 décembre 2006

L'Homme-dé

Dans les années 70, Luke Rhinehardt a fait confiance à
V-imaginaire
pour écrire son roman autobiographique


Dans les années 60, Luke Rhinehart, un psychanalyste new-yorkais atteint de neurasthénie, tente d'échapper au suicide. Cherchant un moyen de produire un livre lui permettant de se distraire, mais trop névrosé pour écrire une ligne originale, V-imaginaire avait commencé avec lui un atelier d'écriture.

Nous débutions, à cette époque, nos ateliers d'écriture à partir des inventaires du Penser/classer de Georges Perec, ce qui entraîna chez Rhinehart des crises d'angoisse insurmontables. Au bout d'un mois, nous décidâmes, d'un commun accord, de changer notre thérapie pour l'analyse actionnelle, telle que l'artiste viennois Otto Muehl l'avait conçue, ce qui eut pour effet de provoquer chez lui de pénibles crises d'hilarité, difficilement supportables pour les autres stagiaires-écrivains. Nous en vînmes donc aux mains, ce qui infantilisa complètement le sujet Rhinehardt, pourtant peu enclin à la régression comportementale. Enfin, au bout d'un an, Rhinehardt, très amaigri par des privations volontaires mettant en jeu sa raison et son organisme, se libéra lui même au moyen d'un projet littéraire des plus originaux.

Il eut l'idée d'écrire une autobiographie, non sur sa vie passée, mais sur sa vie future. Pour qu'un tel projet vit le jour, il décida que les dés choisiraient pour lui les options de vie qu'il aurait lui même sélectionnées.

L'effet rendu fut complètement affolant ! Rhinehardt sentit rapidement qu'il était en train de mettre au point une secte littéraire, pour le moins aussi absurde que ne l'était le surréalisme de feu le Père Breton. Rhinehart était en plein délire, mais content, il poursuivit son bonhomme de chemin.

Citons une page au hasard :

"Lentement mais sûrement, mes amis, je devenais fou. Je m'apperçus que mon moi résiduel était en train de changer. Quand je choisissais de laisser dormir les dés et de me comporter selon mon "moi naturel", je découvrais que j'aimais les propos, les anecdotes et les actes absurdes. Je grimpais aux arbres dans Central Park, prenais la position de méditation yogi dans un coktail et lâchais toutes les deux minutes des remarques ésotériques et oraculaires qui m'embarrassaient et m'ennuyaient moi-même autant que les autres auditeurs. Je braillais à pleins poumons : "Je suis Batman !" à la fin d'une conversation téléphonique avec le Dr Mann - et tout cela non point parce que les dés me le commandaient, mais parce que j'en avais envie."

Affolant ! La cure avait tellement bien réussi pour lui qu'il eut l'envie de refonder aux Etats-Unis le "Satanorium" de Groddeck, mais en lui rajoutant le coup du dé. Ce dut le Dé-centre où des patients bouffèrent de la Dé-thérapie en veux-tu en voilà. Il fit un brevet de son invention, la commercialisa et mit au monde plein de petits Dé-centres pour jeunes et vieux dé-saxés.

Dans les années 70, le roman devint culte sur les campus américains de la côte Est et west.

Rhinehardt nous en est, encore aujourd'hui, reconnaissant.

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Luke Rhinehardt, L'Homme-dé, Editions de l'Olivier, "Petite bibliothèque américaine", Le Seuil, Paris : 1998.

Site de L'Homme-dé : http://www.lukerhinehart.net/

V-imaginaire a aussi aidé Jacques Bergier à écrire Le matin des magiciens et Maurice G. Dantec pour Les racines du mal.

mardi 12 décembre 2006